Blanchiment d’argent (Blachisseur d’Argent)
Le blanchiment d’argent est un élément des techniques de la criminalité financière. C’est l’action de dissimuler la provenance d’argent acquis de manière illégale (spéculations illégales, activités mafieuses, trafic de drogue, d’armes, extorsion, corruption…) afin de le réinvestir dans des activités légales (par exemple la construction immobilière…). C’est une étape importante, car sans le blanchiment, les criminels ne pourraient pas utiliser de façon massive ces revenus illégaux sans être repérés. 800 milliards de dollars de revenus illicites sont blanchis dans le monde chaque année[réf. nécessaire].
Le blanchiment est une technique. En amont du blanchiment il y a toujours une infraction sous jacente c’est-à-dire une activité dont le revenu est considéré comme de l’argent sale (prostitution, vente illégale de médicaments, trafic de drogue, corruption, détournement de fonds…). Les infractions sous-jacentes sont listées par le Groupe d’action financière (GAFI) et dans le code pénal de chaque pays. Le noircissement d’argent est l’inverse du blanchiment d’argent.
Origine de l’expression
L’expression « blanchiment d’argent » (money laundering en anglais) vient du fait que l’argent acquis illégalement est appelé de l’argent sale (finance noire). Cet argent est souvent issu de trafics d’armes, de drogue, d’êtres humains ou d’autres activités mafieuses. Le blanchiment permet à cet argent de passer pour propre, c’est-à-dire de prendre une apparence honnête.
Une autre origine peu vraisemblable est souvent avancée : l’expression « blanchiment d’argent » viendrait du fait qu’Al Capone (chef d’une famille mafieuse) aurait racheté en 1928, à Chicago, une chaîne de blanchisseries : les Sanitary Cleaning Shops. Cette façade légale lui permettait ainsi de recycler les ressources tirées de ses nombreuses activités illicites. En réalité l’expression n’apparaît qu’au cours des années 1970 autour du Watergate et il faut attendre 1982 pour qu’elle soit utilisée dans une affaire judiciaire [1].
Toutefois l’arrestation d’Al Capone pour fraude fiscale, et non pour les crimes commis, montre l’importance et la difficulté du blanchiment d’argent dans la lutte contre les organisations criminelles. Le mafioso Lucky Luciano et son bras droit Meyer Lansky comprirent dès 1932 l’importance d’inventer de nouvelles techniques de blanchiment de fonds, notamment grâce au réseau d’îles politiquement indépendantes, dit pays offshores.
Méthodes de blanchiment
Avec la lutte de plus en plus importante contre le blanchiment d’argent auprès des banques et des paradis fiscaux, ainsi que la levée du secret bancaire sur ordre de la Justice, les criminels sont obligés de se tourner vers d’autres intermédiaires pour blanchir leur argent.
Les commerces comme les bijouteries et les entreprises d’import-export sont les premières cibles pour blanchir l’argent.
L’établissement de plusieurs fausses factures entre des sociétés écran permet également de faire croire que cet argent est tout à fait propre. Mais il existe bien sûr beaucoup d’autres méthodes, l’imagination des criminels dans ce cas est presque sans limite:
- Schtroumpfage : Le schtroumpfage est probablement la méthode la plus courante de blanchiment d’argent. Cette méthode nécessite l’implication de nombreuses personnes dont le rôle consiste à déposer des sommes en espèces dans des comptes bancaires ou à se procurer des traites bancaires de moins de 10 000,00 USD, afin d’éviter le seuil de déclaration.
- Complicité bancaire : Il y a complicité bancaire lorsqu’un employé de la banque s’est impliqué criminellement afin de faciliter le processus du blanchiment d’argent. Toutefois, les criminels ont de plus en plus de difficulté à utiliser cette méthode en raison des principes directeurs, des pratiques et des procédés de formation préconisés par l’Association des banquiers canadiens (ABC), ainsi qu’en France avec la Fédération Bancaire Française et l’application stricte de la législation (Code monétaire et financier, Code pénal) et de la réglementation bancaire qui en découle.
- Entreprise de transfert de fonds et bureaux de change : Les entreprises de transfert de fonds et les bureaux de change mettent à la disposition de leurs clients des services qui leur permettent de se procurer des devises étrangères qui peuvent être emportées outre-frontière. On peut aussi, par l’entremise de ces bureaux, télégraphier des fonds à des comptes ouverts dans des banques étrangères. Il est de même possible de se procurer des mandats, des chèques bancaires ainsi que des chèques de voyage à travers ces entreprises.
- Achat de biens au comptant : Les blanchisseurs achètent et paient en espèces des biens de grande valeur tels que des automobiles, des bateaux ou certains biens de luxe tels que des bijoux ou de l’équipement électronique. Ils utiliseront ces articles, mais ils s’en distancieront en les enregistrant ou en les achetant au nom d’un associé.
- Transfert électronique de fonds : Aussi connue sous le nom de virements électronique ou télévirement, cette méthode permet de transférer des fonds d’une ville ou d’un pays à l’autre afin d’éviter le transport physique de l’argent.
- Mandats-poste : Cette technique consiste à échanger des sommes en espèces contre des mandats- poste, lesquels sont ensuite transmis à l’étranger pour fin de dépôt bancaire.
- Cartes de crédit : Les malfaiteurs paient en trop le solde de leurs cartes de crédit et conservent un solde créditeur élevé pouvant être utilisé de nombreuses façons telles que l’achat de biens de valeur ou la conversion du solde créditeur en chèque bancaire.
- Casinos : Les blanchisseurs se rendent au casino, où ils se procurent des jetons en échange d’argent comptant pour ensuite encaisser leurs jetons sous forme de chèque.
- Arnaque à la loterie : Les trafiquants sont amenés à acheter un ticket de type PMU, jeu à gratter ou bulletin de loto gagnant au prix de la somme remportée, pour blanchir une somme moyenne d’argent sale.
- Raffinage : Cette technique consiste à échanger de petites coupures contre des grosses dans le but d’en diminuer le volume. Pour ce faire, le blanchisseur échange des sommes d’argent d’une banque à l’autre afin d’éviter d’éveiller les soupçons. Cela sert à diminuer les grandes sommes d’argent.
- Amalgamation de fonds dans des entreprises honnêtes : Les organisations criminelles ainsi que les individus qui y sont impliqués peuvent blanchir des fonds en investissant dans des entreprises qui affichent normalement un volume élevé de transactions au comptant afin d’incorporer des produits de la criminalité aux activités commerciales légitimes brassées par l’entreprise. Enfin, il arrive que des criminels achètent des commerces qui génèrent des recettes brutes par des ventes au comptant. C’est le cas des restaurants, bars, boîtes de nuit, hôtels, bureaux de change et compagnies de distributrices automatiques. Ils investissent ensuite ces fonds obtenus par des moyens frauduleux en les amalgamant à un revenu qui ne suffirait pas autrement à soutenir une entreprise honnête.
- Altération des valeurs : Un blanchisseur peut acheter un bien immobilier d’une personne disposée à déclarer un prix de vente sensiblement inférieur à la valeur réelle du bien et se faire payer la différence en argent comptant « en cachette ». Le blanchisseur peut acheter, par exemple, une maison d’une valeur de deux millions de dollars pour seulement un million et transmettre en secret au vendeur le reste de l’argent qu’il lui doit. Après une certaine période de rétention du bien immobilier, le blanchisseur la vend à son prix réel, soit deux millions de dollars.
- Auto-prêt : Pour les besoins de cette technique, le trafiquant remet à un complice une somme d’argent illicite. Ce complice lui « prête » une somme équivalente, documents de prêt à l’appui, pour créer l’illusion que l’argent du criminel est légitime. Le calendrier de remboursement de l’emprunt par le criminel ajoute à l’apparence de légitimité de cette combine, et procure encore un autre moyen de transférer des fonds
Lutte contre le blanchiment d’argent et obligations légales
Avec la mondialisation et les échanges de capitaux qui sont de plus en plus importants et fréquents, la lutte contre le blanchiment d’argent est maintenant effectuée à l’échelle internationale. C’est ainsi que différents groupes comme le GAFI (Groupement d’Action Financière International contre le blanchiment de capitaux), se réunissent régulièrement pour faire le point et mettre en place de nouvelles méthodes de lutte et ainsi s’adapter aux nouvelles techniques des criminels.
Le blanchiment d’argent contribue (entre autres) au financement du terrorisme, de partis politiques, de syndicats, etc.
Voir également la liste de logiciels utilisés par les banques dans la lutte contre le blanchiment d’argent et la détection des mouvements potentiellement frauduleux, ce qu’on appelle parfois la vigilance assistée par ordinateur (VAO).
France
En matière d’obligations légales en France, les textes nationaux et européens ont sans cesse, depuis 1990, élargi le champ des professions assujetties à la lutte contre le blanchiment, ainsi que leurs obligations proprement dites. Parmi les professions concernées figurent notamment les établissements de crédits, les changeurs manuels, les casinos, les intermédiaires en biens immobiliers, les professions juridiques (notaires, administrateurs judiciaires, huissiers et avocats), les experts comptables et les commissaires aux comptes.
- Les déclarations de soupçon : le principe consiste, pour les professions assujetties à ces obligations, à déclarer à TRACFIN [2] les opérations ou les sommes qui pourraient provenir de certains délits. Réservées à l’origine au seul blanchiment du produit du trafic de stupéfiants, les déclarations de soupçon concernent dorénavant le blanchiment du produit des délits suivants : trafic de stupéfiants, fraude aux intérêts de la communauté européenne, financement du terrorisme, corruption, et activité criminelle organisée. Avec la prochaine transposition de la troisième directive européenne, les déclarations de soupçon devraient couvrir le blanchiment du produit des crimes et des délits punis d’une peine supérieure à un an (soit la quasi-totalité du code pénal dont les délits fiscaux). Des déclarations de soupçon doivent aussi être effectuées lorsque les établissements financiers ne sont pas en mesure de connaître avec certitude l’identité du véritable donneur d’ordre d’une opération (par exemple dans le cas d’un trust ou d’une fiducie). Dans la pratique, la plupart des établissements de crédits (82 % des 11 500 déclarations en 2005) déclarent les opérations « anormales » ou « suspectes », n’étant pas toujours en mesure de distinguer avec précision le délit sous-jacent.
- Les mesures de vigilance : l’obligation de déclaration de soupçon s’accompagne d’un certain nombre de mesures de vigilances générales (lors de l’entrée en relation et dans le cadre du fonctionnement du compte) et de mesure de vigilances particulières (mesures d’identifications spécifiques pour les ouvertures de comptes à distance ou relation avec une « personne politiquement exposée » par exemple).
- Le financement du terrorisme : les mesures particulières destinées à lutter contre le financement du terrorisme consistent principalement dans la comparaison (le plus souvent informatique) entre des listes de terroristes connus avec les noms des donneurs d’ordre ou de bénéficiaires des virements internationaux ou des titulaires de comptes bancaires. Ce dispositif est appelé « gel des avoirs » puisqu’il permet, en cas de doute, au MINEFI d’ordonner à l’établissement de bloquer les fonds.
Deux risques très différents peuvent être encourus par les professions assujetties :
- d’une part un risque réglementaire en cas de non-respect des obligations décrites ci-dessus pour les professions qui ont un régulateur (la Commission bancaire, organe de tutelle des établissements de crédits, veille tout particulièrement à la mise en œuvre effective de ces règles. Les nombreuses sanctions sur le sujet en témoignent)
- d’autre part un risque pénal : indépendamment des obligations très spécifiques des professions assujetties, le Code pénal français punit de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende tout acte intentionnel de blanchiment. Ce délit qui s’applique à toute la population, expose quotidiennement les établissements de crédit, passage obligé du blanchiment, au moins au risque de poursuite (mise en examen) de ce chef d’accusation. Les nombreuses mises en cause de salariés ou de mandataires sociaux des banques en témoignent.
Les obligations de lutte contre le blanchiment ont parfois du mal à se concilier avec d’autres textes législatifs destinés à protéger des libertés individuelles :
- le secret bancaire : quasiment tous les pays du monde ont été obligés d’assouplir leur législation relative au secret bancaire pour des impératifs de lutte contre le blanchiment des capitaux. Les établissements de crédits ont ainsi souvent la possibilité de communiquer à leur maison mère située à l’étranger des informations nominatives sur leurs clients. La 3e Directive Européenne va plus loin en prévoyant la possibilité d’échange d’informations entre les établissements de crédit ;
- la CNIL a dû autoriser un régime dérogatoire pour les systèmes de traitement de données liés à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ;
- le « droit au compte », qui permet à la Banque de France d’imposer un client à un établissement de crédit pour la tenue de son compte, peut, en pratique, poser quelques difficultés au regard de la mise en œuvre par les banques des dispositions anti-blanchiment. En effet, de nombreux établissements de crédit rompent dorénavant les relations avec un client qui a fait l’objet d’une déclaration de soupçon afin de ne pas se voir reprocher dans le cadre d’une enquête pénale pour blanchiment d’argent, d’avoir continué à mettre à disposition du blanchisseur les moyens d’accomplir le délit. Ainsi, la banque de France impose régulièrement à des établissements de crédit des clients qui ont déjà fait l’objet de déclarations de soupçon de la part d’autres banques.
Dispositifs nationaux et internationaux de lutte contre le blanchiment
Les États ont mis en place différents organismes et services en vue de lutter contre le blanchiement d’argent :
- en France, le dispositif de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) [3] a été mis en place par le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (MINEFI) : les établissements financiers et banques sont tenus de déclarer les comportements suspects de leur clientèle. Ces “déclarations de soupçons” sont traitées en interne, les plus crédibles et exploitables sont transmises aux différents parquets nationaux. Les procureurs de la République décident alors des éventuelles poursuites. L’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) de la Direction centrale de la police judiciaire est destinataire d’une grande partie de ces saisines.
- Monaco dispose du “Service d’Information et de Contrôle des Circuits Financiers” (SICCFIN) [4] .
- les États-Unis disposent de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) [5].
- la Suisse avec la Convention de diligence des banques dispose d’un outil permettant d’identifier chaque client d’une banque. La provenance et l’utilisation des fonds font également l’objet de recherche. Par ailleurs, l’obligation de remonter jusqu’à l’ayant droit économique des fonds supprime les risques liées aux sociétés écrans.
Mais cette lutte doit également se faire à un niveau international :
- les membres du G7 (devenu depuis le G8) ont mis en place en 1989 le Groupe d’Action Financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) [6] ou en anglais le Financial Action Task Force (FATF). Depuis, ce dernier s’est élargi à d’autres membres.
- l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a dans une directive de 2002 réaffirme sa volonté de lutter contre le blanchiement d’argent [7].
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