Géométrie
Historiquement, la géométrie est la partie des mathématiques qui formalise l’espace[1] et étudie les figures dans cet espace (ou dans le plan). On la désigne désormais sous le terme de géométrie classique car, dans un sens moins restrictif, la géométrie comprend également la géométrie différentielle qui appréhende une notion élargie de l’espace.
Par ailleurs, le terme de géométrie est associé à diverses disciplines en rapport avec la géométrie au sens traditionnel, mais qui divergent par leurs méthodes, et qui se sont constituées en disciplines autonomes. Il est donc difficile de définir ce qu’est la géométrie de manière à englober toutes ces géométries.
Obtention de la section conique par la projection de deux sphères de diamètres distincts.
Étymologie
Le terme géométrie dérive du grec de γεωμέτρης (geômetrês) qui signifie « géomètre, arpenteur » et vient de γῆ (gê) (« terre ») et μέτρον (métron) « mesure »). Ce serait donc « la science de la mesure du terrain ».
Définition de la géométrie
La géométrie admet de nombreuses acceptions selon les auteurs. Dans un sens strict, la géométrie est « l’étude des formes et des grandeurs de figures »[2]. Cette définition est conforme à l’émergence de la géométrie en tant que science sous la civilisation grecque durant l’époque classique. Selon un rapport de Jean-Pierre Kahane[3], cette définition coïncide avec l’idée que se font les gens de la géométrie comme matière enseignée : c’est « le lieu où on apprend à appréhender l’espace ».
Les questions posées durant le XIXe siècle ont conduit à repenser la notion de formes et d’espace, en écartant la rigidité des distances euclidiennes. Il été envisagé la possibilité de déformer continument une surface sans préserver la métrique induite, par exemple de déformer une sphère en un ellipsoïde. Étudier ces déformations a conduit à l’émergence de la topologie[réf. nécessaire] : ses objets d’étude sont des ensembles, les espaces topologiques, dont la notion de proximité et de continuité est définie “ensemblistement” par la notion de voisinage. Selon certains mathématiciens, la topologie fait pleinement partie de la géométrie, voire en est une branche fondamentale. Cette classification peut être remise en cause par d’autres.
Selon le point de vue de Felix Klein (1849 – 1925), la géométrie analytique « synthétisait en fait deux caractères ultérieurement dissociés : son caractère fondamentalement métrique, et l’homogénéité »[4]. Le premier caractère se retrouve dans la géométrie métrique, qui étudie les propriétés géométriques des distances. Le second est au fondement du programme d’Erlangen, qui définit la géométrie comme l’étude des invariants d’actions de groupe.
Les travaux actuels, dans des domaines de recherche portant le nom de géométrie, tendent à remettre en cause la première définition donnée. Selon Jean-Jacques Szczeciniarcz[5], la géométrie ne se construit pas sur « la simple référence à l’espace, ni même [sur] la figuration ou [sur] la visualisation » mais se comprend à travers son développement : « la géométrie est absorbée mais en même temps nous parait attribuer un sens aux concepts en donnant par ailleurs l’impression d’un retour au sens initial ». Jean-Jacques Sczeciniarcz relève deux mouvements dans la recherche mathématique qui a conduit à un élargissement ou à un morcellement de la géométrie :
- La procédure d’idéalisation consistant à montrer l’importance d’une structure en l’ajoutant aux objets mathématiques déjà étudiés ;
- Au contraire, la procédure de thématisation consistant à dégager une nouvelle structure sous-jacente à des objets géométriques déjà étudiés.
Dans le prolongement, la géométrie peut être abordée non plus comme une discipline unifiée mais comme une vision des mathématiques ou une approche des objets. Selon Gérhard Heinzmann[6], la géométrie se caractérise par « un usage de termes et de contenus géométriques, comme, par exemple, « points », « distance » ou « dimension » en tant que cadre langagier dans les domaines les plus divers », accompagné par un équilibre entre une approche empirique et une approche théorique.
Géométrie classique
« La géométrie est une maison riche de choses intéressantes et à moitié oubliées qu’une génération entière n’a pas le temps d’apprécier, plus riche que toute autre division des mathématiques »
— Eric Temple Bell[7]
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Pour Poincaré[8], l’espace géométrique possède les propriétés suivantes:
- Il est continu
- Il est infini
- Il a trois dimensions
- Il est homogène, c’est-à-dire que tous ses points sont identiques entre eux
- Il est isotrope, c’est-à-dire que toutes les droites qui passent par un même point sont identiques entre elles.
La géométrie classique correspond à cette définition stricto sensus de l’espace. Construire une telle géométrie consiste à énoncer les règles d’agencement des quatre objets fondamentaux le point, la droite, le plan et l’espace. Ce travail reste l’apanage de la géométrie pure qui est la seule à travailler ex nihilo.
Géométrie pure
La géométrie pure repose d’abord sur une axiomatique qui définit l’espace ; puis sur des méthodes d’intersections, de transformations et de constructions de figures (triangle, parallélogramme, cercle, sphère, etc.).
La géométrie projective est la plus minimaliste, ce qui en fait un tronc commun[9] pour les autres géométries. Elle est fondée sur des axiomes
- d’incidence (ou d’appartenance) dont la caractéristique la plus notable (et la plus singulière) est : « Deux droites coplanaires possèdent un unique point commun. »
- d’ordre : permet notamment d’ordonner les points d’une droite. De ce point de vue, une droite projective s’apparente à un cercle car deux points définissent deux segments.
- de continuité : Ainsi, dans tout espace géométrique, l’on peut joindre un point à un autre par un cheminement continu. En géométrie euclidienne, cette axiome est l’axiome d’Archimède.
- Parallélisme
Distinguer dans la géométrie projective des éléments impropres caractérise la géométrie arguésienne. Puis la géométrie affine nait de l’élimination de ces éléments impropres. Cette suppression de points crèe la notion de parallélisme puisque désormais certaines paires de droites coplanaires cessent d’intersecter. Le point impropre supprimé est assimilable à la direction ces droites. De plus, deux points ne définissent plus qu’un segment (celui des deux qui ne contient pas le point impropre) et rend familière la notion de sens ou orientation (c’est à dire, cela permet de distinguer de [10]).
Le cinquième axiome ou « postulat de parallèles » de la géométrie d’Euclide fonde la géométrie euclidienne :
Par un point extérieur à une droite, il passe toujours une parallèle à cette droite, et une seule.
Voir l’axiomatique de Hilbert ou les Éléments d’Euclide pour des énoncés plus complet de la géométrie euclidienne.
La réfutation de ce postulat à conduit à l’élaboration de deux géométries non euclidiennes : la géométrie hyperbolique par Gauss, Lobatchevsky, Bolyai et la géométrie elliptique par Riemann.
Géométrie analytique
La géométrie analytique est la plus familière. Elle repose sur le principe de base que toute droite est assimilable à une représentation (une image) de l’ensemble des réelles (ou plus largement, d’un corps. L’espace est alors décomposable en sous-espaces et un point est définissable par des coordonnées. Il s’ensuit que toute figure est déterminée par un système d’équations et/ou d’inéquations. Par exemple, une courbe est la représentation d’une fonction. L’on voit ainsi que cette approche, issue de l’algèbre linéaire et basée sur la notion d’espace vectoriel, est à un pont entre la géométrie et l’analyse.
Cette géométrique est conforme à la géométrie pure dans le sens où l’espace vectoriel permet de construire des modèles de géométries (en tant qu’objets mathématiques).
Programme d’Erlangen
Dans la conception de Felix Klein (auteur de programme d’Erlangen), la géométrie est l’étude, des espaces de points sur lesquels opèrent des groupes de transformations (appelées aussi symétries), et des quantités et des propriétés qui sont invariantes pour ces groupes.
Parmi les transformations les plus connues, on retrouve les isométries, les similitudes, les rotations, les réflexions, les translations et les homothéties.
Il ne s’agit donc pas d’une discipline ; mais d’un important travail de synthèse, qui a permis une vision claire des particularités de chaque géométrie. Ce programme caractérise donc plus la géométrie qu’il ne la fonde. Il eu un rôle médiateur dans le débat sur la nature des géométries non-euclidiennes et la controverse entre géométries analytique et synthétique.
Domaines de recherche relevant de la géométrie
Géométrie riemannienne
La géométrie riemannienne peut être vue comme une extension de la géométrie euclidienne. Son étude porte sur les propriétés géométriques d’espaces (variétés) présentant une notion de vecteurs tangents, et équipés d’une métrique (métrique riemannienne) permettant de mesurer ces vecteurs. Les premiers exemples rencontrés sont les surfaces de l’espace euclidien de dimension 3 dont les propriétés métriques ont été étudiées par Gauss dans les années 1820. Le produit euclidien induit une métrique sur la surface étudiée par restriction aux différents plans tangents. La définition intrinsèque de métrique fut formalisée en dimension supérieure par Riemann. La notion de transport parallèle autorise la comparaison des espaces tangents en deux points distincts de la variété : elle vise à transporter de manière cohérente un vecteur le long d’une courbe tracée sur la variété riemannienne. La courbure d’une variété riemannienne mesure par définition la dépendance éventuelle du transport parallèle d’un point à un autre par rapport à la courbe les reliant.
La métrique donne lieu à la définition de la longueur des courbes, d’où dérive la définition de la distance riemannienne. Mais les propriétés métriques des triangles peuvent différer de la trigonométrie euclidienne. Cette différence est en partie étudiée à travers le théorème de comparaison de Toponogov, qui permet de comparer du moins localement la variété riemannienne étudiée à des espaces modèles, selon des inégalités supposées connues sur la courbure sectionnelle. Parmi les espaces modèles :
- L’espace euclidien est une variété riemannienne de courbure nulle ;
- La sphère de dimension n sont une variété riemannienne de courbure positive constante 1 ;
- L’espace hyperbolique de dimension n est une variété riemannienne de courbure négative -1.
Géométrie complexe
La géométrie complexe porte sur les propriétés d’espaces pouvant localement s’identifier à . Ces objets (variété complexe) présentent une certaine rigidité, découlant de l’unicité d’un prolongement analytique d’une fonction à plusieurs variables.
Géométries symplectique et de contact
La géométrie symplectique peut être introduite comme une généralisation en dimension supérieure de la notion d’aire rencontrée en dimension 2. Tout comme la géométrie complexe, ses objets étudiés, les variétés symplectiques, sont suffisamment rigides
Applications de la géométrie
Longtemps, géométrie et astronomie ont été liées. À un niveau élémentaire, le calcul des tailles de la lune, du Soleil et de leurs distances respectives à la Terre fait appel au théorème de Thalès[réf. nécessaire]. Dans les premiers modèles du système solaire, à chaque planète était associé un solide platonicien. Depuis les observations astronomiques de Kepler, confirmées par les travaux de Newton, il est prouvé que les planètes suivent une orbite elliptique dont le Soleil constitue un des foyers. De telles considérations de nature géométrique peuvent intervenir couramment en mécanique classique pour décrire qualitativement les trajectoires.
En ce sens, la géométrie intervient en ingénierie dans l’étude de la stabilité d’un système mécanique. Mais elle intervient encore plus naturellement dans le dessin industriel. Le dessin industriel montre les coupes ou les projections d’un objet tridimensionnel, et est annoté des longueurs et angles. C’est la première étape de la mise en place d’un projet de conception industrielle. Récemment, le mariage de la géométrie avec l’informatique a permis l’arrivée de la conception assistée par ordinateur (CAO), des calculs par éléments finis et de l’infographie.
La trigonométrie euclidienne intervient en optique pour traiter par exemple de la diffraction de la lumière. Elle est également à l’origine du développement de la navigation : navigation maritime aux étoiles (avec les sextants), cartographie, navigation aérienne (pilotage aux instruments à partir des signaux des balises).
Les nouvelles avancées en géométrie au XIXe siècle trouvent des échos en physique. Il est souvent dit que la géométrie riemannienne a été initialement motivée par les interrogations de Gauss sur la cartographie de la Terre. Elle rend compte en particulier de la géométrie des surfaces dans l’espace. Une de ses extensions, la géométrie lorentzienne, a fourni le formalisme idéal pour formuler les lois de la relativité générale. La géométrie différentielle trouve de nouvelles applications dans la physique post-newtonienne avec la théorie des cordes ou des membranes.
La géométrie non commutative, inventée par Alain Connes, tend à s’imposer pour présenter les bonnes structures mathématiques avec lesquelles travailler pour mettre en place de nouvelles théories physiques.
Enseignement de la géométrie
La géométrie occupe une place privilègiée dans l’enseignement des mathématiques. De nombreuses études pédagogiques prouvent son intérêt : elle permet aux élèves de développer une réflexion sur des problèmes, de visualiser des figures du plan et de l’espace, de rédiger des démonstrations, de déduire des résultats d’hypothèses énoncées. Mais plus encore, « le raisonnement géométrique est beaucoup plus riche que la simple déduction formelle », car il s’appuie sur l’intuition née de l’« observation des figures ».
Dans les années 1960, l’enseignement des mathématiques en France insistait sur la mise en pratique des problèmes relevant de la géométrie dans la vie courante. En particulier, le théorème de Pythagore était illustré par la règle du 3,4,5 et son utilisation en charpenterie. Les involutions, les divisions harmoniques, et les birapports étaient au programme du secondaire. Mais la réforme des mathématiques modernes, née aux États-Unis, et adaptée en Europe, a conduit à réduire considérablement les connaissances enseignées en géométrie pour introduire de l’algèbre linéaire dans le second degré. Dans de nombreux pays, cette réforme fut fortement critiquée et désignée comme responsable d’échecs scolaires. Un rapport de Jean-Pierre Kahane dénonce le manque d’« une véritable réflexion didactique préalable » sur l’apport de la géométrie : en particulier, une « pratique de la géométrie vectorielle » prépare l’élève à une meilleure assimilation des notions formelles d’espace vectoriel, de forme bilinéaire, …
L’utilisation des figures dans l’enseignement d’autres matières permet de mieux faire comprendre aux élèves les raisonnements exposés
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