Magistrat (France)
Palais de Justice de Paris, entrée Place Dauphine
Un magistrat est au sens strict, une personne appartenant au corps judiciaire, exerçant la profession de rendre la justice ou de requérir au nom de l’État[1].
Mais, en France, en raison de la dualité des ordres de juridiction d’une part, et de la séparation entre les juridictions administratives de droit commun et les juridictions financières d’autre part, il existe plusieurs corps de magistrats exerçant dans des juridictions différentes, régis par des statuts différents, et recrutés selon des modalités différentes.
Dans l’ordre judiciaire
Les magistrats en France composent, avec les auditeurs de justice, le corps judiciaire (voir « magistrat » pour une acception plus large du mot).
Statut des magistrats
Le titre VIII de la Constitution du 4 octobre 1958, intitulé « De l’autorité judiciaire », rappelle l’indépendance des membres du corps judiciaire, dont le président de la République est le garant, avec l’assistance du Conseil supérieur de la magistrature. L’autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle.
Outre des prérogatives en matière disciplinaire, le Conseil supérieur de la magistrature exerce un pouvoir de contrôle et de proposition pour les nominations des magistrats du siège. S’agissant des nomination des magistrats du parquet, le Conseil Supérieur de la Magistrature formule de simples avis.
Une série de lois organiques, regroupées dans une ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, précise et complète le statut des magistrats du siège et du parquet.
Principes communs
- Le corps judiciaire est composé des magistrats du siège et du parquet ainsi que des auditeurs de justice, magistrats stagiaires élèves de l’École nationale de la magistrature.
- Tout magistrat a vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet.
- L’exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l’exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité professionnelle ou salariée.
- Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. Est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions.
Principes spécifiques pour le siège
- Les magistrats du siège sont inamovibles. En conséquence, le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement.
Principes spécifiques pour le parquet
- Les magistrats du parquet ne bénéficient pas de la garantie d’inamovibilité. Leur indépendance est limitée par le fait qu’ils sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des Sceaux, ministre de la justice. À l’audience cependant, leur parole est libre.
Si les magistrats ne possèdent pas la garantie d’inamovibilité en droit, ils la possèdent en fait; il est très rare qu’un magistrat du parquet soit muté sans son consentement.
Formation
À l’exception d’une petite minorité de personnes intégrant la magistrature par la voie de l’accès direct, sous conditions d’âge, d’ancienneté professionnelle et de compétence validées par une commission spéciale, l’ensemble des magistrats français est issu de l’École nationale de la magistrature (ENM), implantée à Bordeaux. L’admission à l’ENM se fait par la voie d’un concours accessible aux titulaires d’une maîtrise. Les élèves sont nommés auditeurs de justice et, à l’exemple des fonctionnaires stagiaires, perçoivent une rémunération.
La formation initiale comprend presque trois ans de scolarité et fait alterner périodes d’enseignement à Bordeaux et périodes de stage en juridiction. Ces dernières permettent d’exercer chacune des grandes fonctions du métier de magistrat : siège, parquet, instance, instruction, enfants, application des peines. En fonction de leurs résultats à l’examen final, les auditeurs de justice choisissent leur premier poste de magistrat, sur la liste proposée par le ministère de la Justice. Une période de spécialisation leur permet de recevoir une formation complémentaire pour se préparer à l’exercice de la première fonction.
Les magistrats ont également accès, par l’intermédiaire de l’ENM, à la formation continue tout au long de leur carrière, notamment autour des axes suivants :
- actualisation et approfondissement des connaissances juridiques et des pratiques professionnelles
- ouverture sur les grandes questions de la société contemporaine
- connaissance des structures administratives, sociales et économiques de la France et de l’Union européenne (UE)
- ouverture sur les régimes juridiques et les institutions judiciaires des pays étrangers
- dialogue et échange avec les partenaires des magistrats
- accompagnement de la modernisation du service public de la Justice
Carrière
Grades et fonctions
La magistrature comprend deux grades et des emplois hors-hiérarchie. Ces grades déterminent les fonctions qui peuvent être occupées dans les cours et tribunaux. Le passage du second au premier grade est précédé par l’inscription à un tableau d’avancement dressé par une commission indépendante. Il nécessite 7 ans d’exercice professionnel, donc 5 ans au moins en qualité de magistrat dans une juridiction ou l’administration centrale du ministère de la Justice. Le passage en hors-hiérarchie s’effectue au choix de l’autorité de nomination, le Président de la République, avec avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature pour les magistrats du siège.
Magistrats du parquet
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Tribunal de grande instance |
Cour d’appel |
Cour de cassation |
Second grade |
- Substitut du procureur de la République
- Substitut placé auprès du procureur général [1]
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Premier grade |
- Vice-procureur
- Vice-procureur placé auprès du procureur général [1]
Procureur de la République adjoint
Procureur de la République
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Substitut du procureur général [3]
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Hors-hiérarchie |
Procureur de la République adjoint [2]
Procureur de la République [3]
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Avocat
général
Procureur général
|
Avocat général
Premier
avocat général
Procureur général
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[1] Substitut ou vice-procureur affecté aux remplacements dans le ressort de la cour d’appel
[2] Dans les 12 plus grands des 181 TGI, soit, par ordre d’importance : Paris, Bobigny, Lyon, Nanterre, Versailles, Lille, Marseille, Créteil, Bordeaux, Évry, Pontoise et Toulouse
[3] Dans les 47 plus grands des 181 TGI, soit, par ordre d’importance : Paris, Bobigny, Lyon, Nanterre, Versailles, Lille, Marseille, Créteil, Bordeaux, Évry, Pontoise, Toulouse, Strasbourg, Nantes, Aix-en-Provence, Montpellier, Nice, Rouen, Grenoble, Toulon, Grasse, Rennes, Nancy, Béthune, Metz, Meaux, Perpignan, Nîmes, Tour, Mulhouse, Caen, Dijon, Le Mans, Melun, Angers, Clermont-Ferrand, Draguignan, Valence, Saint-Denis-de-la-Réunion, Boulogne-sur-Mer, Orléans, Évreux, Saint- Étienne, Valenciennes, Amiens, Le Havre et Avignon
[4] Appelé substitut général
Rémunération
La rémunération des magistrats du corps judiciaire comprend un traitement de base, une indemnité de fonction et diverses primes et indemnités soumises à conditions.
Traitement de base :
Le traiement d’un magistrat dépend de son grade et de son échelon. Un magistrat débute sa carrière au premier échelon du second grade. Le second grade comporte cinq échelons, étant précisé que le passage d’un échelon à l’autre s’effectue à l’ancienneté. En revanche, le passage du second au premier grade s’effectue au mérite puisque le magistrat doit être inscrit sur une liste d’avancement pour y accèder. Le premier grade comporte huit échelons, le passage d’un échelon à l’autre s’effectue également à l’ancienneté, sauf pour le huitième échelon.
Au 1er février 2007, le traitement brut mensuel aux divers échelons du second et premier grade du corps judiciaire s’établissait ainsi :
Second Grade :
1er
échelon 2.049 euros
2e échelon 2.249 euros
3e échelon 2.517 euros
4e échelon 2.639 euros
5e échelon 2.807 euros
Premier Grade :
1er
échelon 2.984 euros
2e échelon 3.156 euros
3e échelon 3.328 euros
4e échelon 3.514 euros
5e échelon 3.723 euros
6e échelon 3.995 euros
7e échelon 4.367 euros
8e échelon 4.797 euros
L’ancienneté nécessaire pour passer d’un échelon à l’autre est indiquée ci-dessous :
Second Grade :
1er
échelon 1 an
2e échelon 1 an
3e échelon 2 ans
4e échelon 2 ans
5e échelon passage au premier
grade au mérite
Premier Grade :
1er
échelon 1 an et 6 mois
2e échelon 1 an et 6 mois
3e échelon 1 an et 6 mois
4e échelon 1 an et 6 mois
5e échelon 2 ans
6e échelon 3 ans
7e échelon 3 ans minimum
puis passage au mérite
8e échelon dernier échelon
Indemnité de fonction :
Tous les magistrats du corps judiciaire perçoivent également une indemnité de fonction calculée en pourcentage de leur traitement. Cette indemnité varie de 34 à 39 % selon le poste occupé. Elle constitue donc une part importante de la rémunération des magistrats. Cette indemnité est imposable et soumise aux contributions sociales.
Prime modulable :
Les magistrats perçoivent également une prime individuelle modulable attribuée en fonction de leur mérite qui est égale en moyenne à 9 % de leur traitement (avec un maximum à 15 %)
Indemnité de résidence :
Comme tous les fonctionnaires, les magistrats dont la résidence administrative est située dans certaines zones territoriales perçoivent une indemnité de résidence de 3% (région Ile de France pour l’essentiel) ou de 1% (certaines grandes villes) calculée sur la base de leur traitement.
A cette rémunération peuvent s’ajouter diverses primes et indemnités : prime d’astreinte (pour les magistrats du Parquet, les juges d’instruction et les juges de la liberté et de la détention, pour un montant de 736 euros par mois au maximum), prime pour travaux supplémentaires, prime spéciale des magistrats délégués à la formation ou directeurs de centre de stage, prime spécifique des magistrats instructeurs compétents en matière d’anti-terrorisme (environ 750 euros par mois), prime pour les postes peu demandés (Corse), et enfin nouvelle bonification indiciaire, soit environ 445 euros par mois pour les présidents et procureurs des douze plus grands tribunaux de France
Responsabilité des magistrats
Les juges ont été dotés d’un statut d’indépendance afin de leur permettre de statuer sans risque d’ingérence d’une autre autorité quant au sens de leur décision. En revanche, un justiciable mécontent de la décision rendue peut la contester en faisant appel. L’affaire est alors réexaminée en entier par trois juges. Enfin, si le justiciable estime qu’il y a eu une mauvaise application de la loi, il est possible de faire un pourvoi devant la cour de cassation. Toutes les grandes démocraties (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne…) procèdent de même. On compare parfois la situation d’un magistrat défaillant avec celle d’un médecin qui commet une erreur; mais l’erreur supposée d’un magistrat a vocation à être réparée par cette voie de l’appel, qui bien sûr n’existe pas en médecine: on ne peut pas faire appel d’un mauvais coup de bistouri… Enfin, il faut noter que si le sens des décisions ne peut pas donner lieu à sanction, un juge peut être sanctionné pour les conditions dans lesquelles il les rend (lenteur, retards, insuffisance des recherches, attitude partiale): 70% des sanctions prononcées par le conseil supérieur de la magistrature le sont d’ailleurs pour ces raisons. On notera aussi que les juges font partie des rares agents de l’Etat qui sont rémunérés en partie “au mérite”, avec une prime modulable en fonction notamment de la charge de travail.
Selon des professionnels du monde judiciaire, la question de l’instauration d’une responsabilité des magistrats à raison du contenu de leurs décisions risquerait de les conduire à prendre en partie en compte leur propre intérêt dans le sens de leur décision. Or, selon ces professionnels, il serait très dangereux pour les justiciables que le sens d’une décision de justice puisse dépendre en partie de la nécessité pour le juge de “se couvrir”, comme on dit parfois. Une décision de justice ne devrait reposer que sur la loi, les preuves et les arguments apportées par les parties. Ainsi, le député André Vallini et Elisabeth Guigou, ont qualifié de dangereuse l’idée émise par le Garde des Sceaux Pascal Clément d’instaurer une responsabilité des magistrats pour “erreur grave et manifeste”.
Il résulte d’une enquête réalisée en 2004 par le député UMP Marc Le Fur, qui a interrogé par des questions écrites ministérielles les différents services de l’Etat sur le nombre de révocations ou de licenciements prononcés dans chaque service, que les magistrats sont, avec les policiers, les agents de l’Etat les plus sanctionnés, proportionnellement à leur nombre. Les résultats par ministère sont les suivants: Intérieur : 1 pour 1331 agents (question n°44640) Culture : 1 pour 1910 agents (n°44643) Affaires étrangères : 1 pour 2347 (n°45609) Magistrats: 1 pour 2406 (n°44638) Justice, hors magistrats : 1 pour 2439 (n°44638) Défense (civils) : 1 pour 2664 (n°44649) Economie et finances : 1 pour 4731 (n°44637) Equipement et transports: 1 pour 10928 (n°45613) Education nationale : 1 pour 23752 (n°45612) Agriculture : 1 pour 31100 (n°44645) Travail : ce ministère s’est abstenu de répondre Santé : ce ministère s’est abstenu de répondre Jeunesse et sports : ce ministère s’est abstenu de répondre
De plus, ces sanctions sont plus lourdes que dans le reste de la fonction publique: ainsi, on compte en proportion quatre fois plus de licenciements et de révocations chez les magistrats que chez les autres agents de l’Etat. Depuis 1990, près de 120 sanctions ont été prononcées par le conseil supérieur de la magistrature. Les audiences disciplinaires du Conseil supérieures de la magistrature sont publiques. Par ailleurs, les magistrats sont la seule profession qui présente sur Internet la totalité des procédures disciplinaires les concernant, ainsi que les sanctions prononcées. On les trouve sur le site Internet du conseil supérieur de la magistrature.
Statut des magistrats administratifs
Les magistrats de l’ordre administratif, s’ils relèvent du statut général de la fonction publique, disposent toutefois des garanties d’indépendance et d’inamovibilité. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 22 juillet 1980, a consacré l’existence et l’indépendance de la juridiction administrative qui figurent parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d’appel
Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a un rôle consultatif général pour les questions concernant le corps : notamment, mesures individuelles intéressant la carrière, l’avancement et la discipline des magistrats. Il est présidé par le vice-président du Conseil d’État et comprend 13 membres dont 5 représentants élus du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Statut des magistrats de la Cour des comptes
Les auditeurs de la Cour des comptes, environ 180 personnes, ont le statut de magistrat inamovible dans l’exercice de leurs fonctions. Les trois-quarts sont issus de l’École nationale d’administration
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