Médecine non conventionnelle – Fiche métier

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Médecine non conventionnelle

Médecine non conventionnelle

Le terme de médecine non conventionnelle désigne en Occident une grande variété de méthodes de traitement qui ne sont pas fondées sur la méthode expérimentale. Elles reposent sur des traditions empiriques parfois séculaires ou sur des pratiques ayant émergées au XIXe siècle, mais en général avant l’avènement de la médecine fondée sur les faits (evidence based medicine, EBM). Les médecines non conventionnelles sont pour cette raison considérée comme relevant de la pseudo-science.

Selon les pays, leurs traditions et leurs législations, elles peuvent être courantes, tolérées ou bien être interdites. Elles sont souvent préventives, et s’appuient sur la relation de confiance avec le patient, qui exprime souvent une recherche personnelle et la quête d’un cadre de soin qui se situe parfois hors du cadre de référence habituel de la médecine classique.

Certaines techniques sont utilisées par les médecins, théoriquement plus à même d’en connaître les apports et les limites ; d’autres par des auxiliaires médicaux, d’autres par divers praticiens paramédicaux et d’autres encore par des pratiquants dont la qualité de la formation peut difficilement être évaluée puisqu’elles se posent sur des bases souvent contestées et se créent en marge de la médecine classique.

Les médecines non conventionnelles sont largement critiquées par les scientifiques, particulièrement ceux appartenant au mouvement sceptique contemporain.

 

 

Complexités sémantiques de l’appellation

Le terme médecine non conventionnelle est le terme retenu par la Commission européenne pour qualifier les médecines alternatives, qui font l’objet d’une reconnaissance progressive en Europe depuis les années 1990.

On utilise aussi les termes de médecine douce, médecine complémentaire, médecine naturelle, médecine alternative, de médecine parallèle ou parfois de médecine holistique (puisque certaines prétendent traiter l’humain dans sa globalité).

  • Parler de médecine parallèle semble signifier qu’il y aurait deux conceptions de la médecine impliquant deux systèmes de soins fonctionnant indépendamment l’un de l’autre, avec le même degré d’efficience et de scientificité : les patients auraient donc le choix entre deux thérapeutiques qu’ils pourraient soit envisager comme alternatives et concurrentes, soit comme complémentaires l’une de l’autre.
  • L’appellation « médecine douce » semble dénoncer les pratiques thérapeutiques considérées comme agressives de la médecine conventionnelle par opposition à celles que proposent et développent ces autres médecines.
  • Par médecine alternative, on envisage ces pratiques de soins comme substitutives, donc susceptibles de remplacer une démarche thérapeutique classique et conventionnelle.
  • Le terme « holistique » indiquerait que la médecine conventionnelle s’attacherait à traiter un organe ou une fonction précise, ce qui est certes le cas des spécialités médicales, mais pas systématiquement de la médecine en générale.
  • Le terme de médecine complémentaire en revanche privilégie plutôt l’idée d’associer des traitements impliquant peut-être des « philosophies thérapeutiques » différentes mais capables de coopérer dans l’intérêt du malade [1] [2].

Enfin, on peut s’interroger sur la pertinence de définir « des » médecines. Si la médecine est la science de la santé humaine, alors peu importe la « philosophie » sous-jacente. Soit l’approche est pertinente en terme de santé et c’est de la médecine, soit ce n’en est pas.

 

Une conception a priori

Selon certains, les médecines non conventionnelles ont pour point commun le fait de partir d’une conception a priori des mécanismes du corps humain et de la maladie. Par exemple,

  • les « médecines énergétiques » (acupuncture, qi gong, shiatsu…) partent du principe que l’on possède un influx vital (prana en indien, ki en japonais ou qi en chinois) et que celui-ci doit circuler de manière harmonieuse, la maladie étant une perturbation de cette harmonie qu’il faut corriger. Ces “principes ” sont des réalités pour ceux qui travaillent sur l’énergie, pratiquants de médecines énergétiques ou d’arts martiaux.
  • l’homéopathie part des principes que
    • le mal provient d’un problème inhérent à la personne, le « terrain », et que c’est ce terrain qu’il faut traiter ;
    • le traitement se fait selon le principe de similitude : on administre une substance réputée provoquer un symptôme pour soigner ledit symptôme ;
    • plus un produit est dilué et « dynamisé » (secoué vigoureusement) plus il est actif ;
  • l’ostéopathie part du principe que le mal provient d’un mauvais positionnement des articulations entre elles, d’un mauvais fonctionnement « mécanique » ;

La médecine conventionnelle, fondée sur les faits, applique un traitement du seul fait de son efficacité prouvée (supériorité par rapport à la guérison naturelle et à l’effet placebo) et indépendamment de la théorie utilisée pour l’expliquer. Ainsi, on a utilisé l’aspirine et la pénicilline sans savoir par quel mécanisme ces substances soignaient, et quand bien même l’explication de leur action changerait par de nouvelles découvertes, cela ne changerait rien à leur efficacité. Les homéopathes emploient exactement les mêmes arguments : même si on ne sait exactement comment et pourquoi, l’homéopathie fonctionne très bien dans de très nombreux cas.

Notons que d’une manière générale, le fait qu’une théorie, une conception a priori, soit vraie ou fausse est indépendant du résultat atteint ; on peut expliquer un fait réel par une théorie fausse, et le fait que la théorie soit fausse n’empêche pas le fait d’être vrai. Par exemple, au Moyen Âge, on savait fabriquer du fer et du savon, pourtant, la théorie qui expliquait les transformations de la matière, l’alchimie, était globalement fausse.

Donc :

  • si l’on prouve que la théorie sous-jacente à une médecine donnée est fausse, cela n’implique pas que les traitements liés à cette médecine soient inefficaces ;
  • le fait qu’un traitement soit efficace ne valide pas pour autant la théorie, ne valide pas la médecine l’utilisant dans son ensemble ;
  • la preuve de l’efficacité doit se faire par comparaison avec la guérison naturelle (et l’effet placebo) sur un nombre suffisant de cas pour que l’on puisse écarter un biais statistique.

 

Utilisation des médecines non conventionnelles par des médecins

Le serment d’Hippocrate réactualisé indique que le médecin doit respecter « toutes les personnes […] sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions». Ainsi, même s’il n’est pas d’accord avec une médecine non-conventionnelle, un médecin peut très bien y avoir recours pour respecter les croyances du patient. L’utilisation d’une médecine non-conventionnelle par un médecin, éventuellement au sein d’un hôpital, n’est donc pas une forme de validation de la méthode. D’un point de vue pragmatique, tant que la méthode apporte bien-être et réconfort, cela va dans le sens du bien du patient, le médecin y aura donc recours volontiers même s’il est convaincu que l’effet n’est que placebo (la médecine conventionnelle utilise d’ailleurs fréquemment des placebos). De même, la présence de lieux de prière et d’aumôneries au sein d’un hôpital n’indique pas que le personnel soignant est croyant, mais qu’il respecte la croyance des patients et accepte de mettre en œuvre tout ce qui n’est pas néfaste et apporte du réconfort.

Par ailleurs, rien n’empêche le médecin lui-même d’adhérer à une médecine non-conventionnelle.

 

Une économie publique ?

Les défenseurs des médecines non-conventionnelles mettent en avant que, favorisant le confort des utilisateurs, elles réduisent le recours aux méthodes conventionnelles, et peuvent donc représenter une diminution des dépenses publiques dans les pays disposant d’une assurance maladie. Certains praticiens ou laboratoires demandent même à ce que les pratiques non-conventionnelles soient remboursées par l’assurance maladie : cela serait une incitation à y recourir, donc génèrerait d’autant plus d’économie.

L’expérience de la Suisse entre 1999 et 2005 semble montrer au contraire que le remboursement de médecines non-conventionnelles ne génère pas d’économie. À l’inverse, le remboursement des médecines complémentaires n’a pas non plus généré de surcoût, elles ne représentaient que 0,16 % des dépenses de l’assurance obligatoire, mais de nombreuses dépenses étant prises en charge par les patients eux-mêmes ou de plus en plus par les assurances et mutuelles complémentaires (qui remboursent par ailleurs les soins prouvés efficaces). En ce qui concerne les granules homéopathiques en France, on ne peut nier que leur prix est très bas par rapport à celui aux médicaments classiques. Par ailleurs les médecines douces sont des thérapeutiques tournées vers la prévention.

 

Aspect légal

Selon les pays, les médecines parallèles sont reconnues, interdites, tolérées et même remboursées. Les principaux arguments de discussion sont :

  • Alors que de nombreux médecins s’intéressent à titre personnel à ces techniques, on assiste à un manque de procédures bien adaptées à l’introduction et à l’étude des apports des médecines parallèles notamment parce que les approches de santé sont gérées au niveau politique et institutionnel et que l’argent va principalement aux laboratoires et aux chercheurs « classiques » — on peut objecter que chaque laboratoire pharmaceutique dit financer ses propres recherches et essais cliniques pour prouver l’efficacité du produit sans l’once d’un financement public, et qu’en France par exemple, la très grande majorité des crédits de la recherche n’est pas publique mais privée (laboratoires pharmaceutiques ou bien associations). Quand les techniques ne sont pas néfastes, on pourrait fixer un cadre clair à ces pratiques tant qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur le caractère non médical de l’action (pas d’usurpation du titre de médecin). L’utilisation d’une thérapeutique nouvelle doit passer par des essais de validation souvent très encadrés (voir en particulier la notion de bioéthique), donc de fait, de nombreux médecins ont été poursuivis en France pour avoir utilisé des thérapeutiques nouvelles n’ayant pas été validées, le cas le plus célèbre étant celui de Mirko Beljanski dont les produits [3] furent pris notamment par François Mitterrand. Le but du système actuel par la notion « d’exercice illégal de la médecine » semble être d’écarter toute personne qui s’aventurerait à utiliser des traitements nouveaux sans qu’il en ait été prouvé l’innocuité et l’efficacité. À l’heure actuelle, l’interrogation sur les fondements de nos méthodes de santé a lieu surtout lors de remises en cause induites par des catastrophes, qui peuvent entraîner alors le retrait d’un médicament ou d’un vaccin.
  • D’autre part, le médicament est un marché extrêmement vaste et convoité dont les acteurs pensent qu’il n’a rien à gagner à l’émergence de certaines approches et pratiques de santé auprès du public. On peut donc soupçonner les laboratoires pharmaceutiques de faire pression sur les gouvernements pour avoir une législation restrictive. À l’inverse, on peut citer le cas des laboratoires Boiron (France), Heel et DHU Schwabe (Allemagne), grands pourvoyeurs d’emplois en Europe, et qui ont obtenu du gouvernement français que les préparations homéopathiques soient remboursées en 1984[4], puis de l’Union européenne que les mêmes préparations puissent avoir une autorisation de mise sur le marché sans procéder à des essais cliniques[5].
  • L’effet placebo et le réconfort qu’apportent, entre autres, ces méthodes (pour certaines ancestrales) ont un certain intérêt, les médecins prescrivant eux-mêmes des placebos. Les promoteurs de certaines médecines non-conventionnelles s’appuient sur cet effet placebo pour prouver que le psychisme est fondamental dans la guérison ; il faut cependant noter que l’effet placebo peut agir alors même que l’on sait qu’il s’agit d’un effet placebo[6]. L’amélioration de l’état de santé de patients ayant recours à ces médecines, même si elle est indiscernable de la guérison naturelle, a conduit en son temps au remboursement de l’homéopathie et à l’acceptation de l’acupuncture et de la sophrologie dans certains hôpitaux, plus récemment à l’acceptation en France de l’ostéopathie.
  • Le recours aux médecines parallèles doit être judicieux : le traitement d’une maladie grave et avancée nécessitant une thérapie à technologie peut être retardé par le recours exclusif à une médecine parallèle. Le retard des soins est illustré en France par le procès d’un couple accusé de mauvais traitement sur son enfant : celui-ci est décédé en 2000 de carence alimentaires alors que sa mère, kinésiologue, alimentait l’enfant au sein mais pratiquait en même temps un régime végétalien[7].
  • La médecine « rationnelle » et les médecines parallèles sont sans doute complémentaires et non opposées comme on voudrait le faire croire trop souvent. Il n’y a aucune raison de ne pas explorer toutes les pistes de la Santé et de s’en tenir uniquement à ce qu’on connaît.

La Suisse a décidé, en juillet 1999, d’intégrer à l’essai cinq nouvelles médecines parallèles (après le succès de la chiropratique) dans le remboursement de l’assurance maladie obligatoire : l’homéopathie, la thérapie neurale, la phytothérapie, la médecine anthroposophique et la médecine traditionnelle chinoise. Après évaluation, ces médecines se sont avérées inefficaces et l’essai a été stoppé en juin 2005[8] [9]. En outre, l’usage de ces médecines ne réduisait pas la consommation des autres médecines. Selon l’ATS — Le temps[10], « il n’a pas été suffisamment prouvé que les cinq méthodes complémentaires satisfaisaient aux critères d’économicité, mais surtout d’efficacité et d’adéquation selon la loi sur l’assurance maladie (LAMal). »

 

Médecine douce

On regroupe sous le terme « médecine douce » ou « médecine naturelle » les médecines qui respectent le fonctionnement naturel du corps, par l’emploi de techniques manuelles ou par l’administration de substances « naturelles », non synthétiques.

Les médecines douces et la médecine classique peuvent différer sur l’interprétation des troubles. Par exemple, les médecines douces considèrent les concepts de détoxication/détoxination (les toxines en question ne sont pas toujours spécifiées), alors que ceux-ci n’ont pas de définition en médecine classique.

On associe souvent au champ des médecines douces : les compléments alimentaires, les préparations à base de plantes, la massothérapie, la magnétothérapie, l’ayurveda.

Il est à noter que l’homéopathie et la médecine traditionnelle chinoise sont parfois décrites comme étant des médecines « douces ». Ce terme peut être trompeur, car il sous-entend que les traitements sont forcément doux et faciles à supporter. Si cela est vrai la plupart du temps, il ne faut pas penser que cela est vrai dans tous les cas. En effet, ces traitements (homéopathie ou médecine traditionnelle chinoise) peuvent engendrer des « crises curatives », souvent nécessaires à la guérison, mais qui peuvent être parfois très brutales. Quand c’est le cas, le terme de médecine « douce » est peu adapté. C’est pourquoi il est plus adapté d’utiliser le terme médecine naturelle puisque, malgré les allégations affirmant que les effets ne sont que doux, voire placebo, il y a des risques très grands lors de l’utilisation d’un traitement à tâtons.

 

Pertinence des appellations

Parmi les arguments utilisés par les adeptes des médecines douces pour en faire la promotion, on relève fréquemment :

  • le recours à la Nature, la référence au naturel : le fait qu’une substance est naturelle serait un gage de qualité. En effet, c’est juste par rapport à un produit chimique de synthèse mais on peut contester que la Nature soit uniquement douce : les catastrophes, les champignons vénéneux et les toxines sont naturels. C’est ce manque de nuances à propos des produits d’origine naturelle qui induit parfois de graves conséquences. Il faut user de sa raison pour différencier médicament naturel de toxine naturelle. Il en va de même du côté des traitements chimiques « conventionnels ». Par ailleurs, 70 % de la pharmacopée a pour origine une substance naturelle, la médecine conventionnelle est donc elle aussi, dans une certaine mesure, une « médecine naturelle ».
  • la référence à la tradition : il s’agit principalement des traditions asiatiques (chinoise, indienne) liées aux philosophies et aux cultures de ces pays et locales (française en France). Certains utilisent le terme « médecine occidentale » pour désigner la médecine conventionnelle, alors que celle-ci a diverses origines (notamment égyptiennes et arabes, voir Histoire de la médecine) et pas uniquement occidentale, et par ailleurs, les Japonais et les dignitaires chinois ont largement recours à la « médecine occidentale ».

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