Principal genre littéraire en prose, le roman n’est pas facile à définir, de par la multiplicité des œuvres qu’il recouvre. On pourrait avancer qu’il se présente comme un récit de fiction en prose présentant plusieurs épisodes. Toutefois, on devra immédiatement citer des contre-exemples : l’Innommable de Samuel Beckett n’est pas à proprement parler un récit ; l’aspect fictionnel peut être très réduit dans certains romans biographiques ou historiques ; enfin il existe quelques romans en vers, comme Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine.
L’aspect prosaïque semble toutefois plus important. Selon le critique russe Mikhaïl Bakhtine, le roman se caractérise par la mise en dialogue de différents langages (noble, populaire, juridique, technique, poétique, etc.). La prose serait donc bien un élément essentiel du roman.
Un auteur de roman est un romancier.
Cet article présente une histoire de la tradition romanesque occidentale. Il existe au moins deux traditions romanesques non-européennes dont les caractéristiques sont assez semblables : il s’agit du roman chinois et du roman japonais traditionnels. Le lecteur est invité à se référer à ces articles pour plus de détails. Enfin, on pourra également découvrir des traditions d’autres civilisations (persane et indienne notamment) à travers d’autres genres littéraires en prose : l’épopée et le conte.
Les origines du roman
D’une langue à un genre
Toute tentative de définition satisfaisante du roman est étroitement liée à l’identification de ses origines. Ainsi, nombreux sont les théoriciens du roman qui ont cherché à appuyer leurs théories génériques sur des théories génétiques. Voilà pourquoi une entrée satisfaisante pour tenter de définir le terme de roman peut se trouver dans l’origine même de ce mot. Ce terme sert originellement à désigner une langue utilisée au Moyen Âge, la langue romane, issue de la langue utilisée au nord de la France, la langue d’oïl, qui prévaudra sur la langue d’oc du sud de la France. Cette langue, née de l’évolution progressive du latin, remplace ce dernier dans l’usage et dans les pratiques orales du nord de la France.
Romanus (latin) > romanice (latin vulgaire) > romanz ou romans (ancien français). Les premiers écrits historiques sont apparus pendant la période de l’antiquité, lEneide et lOdyssé en sont quelques exemples. Ensuite, au Moyen Âge, l’usage du latin se restreint aux textes écrits tandis que les communications orales se font en langue romane. Le latin n’étant connu que d’une petite minorité de la population, constituée essentiellement de religieux et de lettrés, il faut alors transcrire ou écrire en langue romane certains textes afin de les rendre accessibles à un public plus large. Le terme « roman » est donc appliqué à tous les textes écrits en langue romane dans ce but, qu’ils soient en prose ou en vers, qu’ils soient narratifs ou non. Les romans s’opposent alors aux textes écrits en latin, notamment les textes officiels et sacrés. L’expression « mettre en roman », apparue vers 1150, signifie donc « traduire en langue vulgaire ». Pour désigner les textes qui appartiennent au genre narratif, les termes estoire et conte sont le plus souvent utilisés. Ainsi, Chrétien de Troyes écrit-il : « ore commencerai estoire ».
À l’origine dévolue à la traduction de textes hagiographiques, cette langue vulgaire – le roman – est vite utilisée par la littérature narrative. Le terme se met à désigner progressivement un genre littéraire à part entière. Ainsi, dans Lancelot ou le Chevalier de la charrette, Chrétien de Troyes écrit-il : « puisque ma dame de Champagne veut que j’entreprenne un roman, je l’entreprendrai très volontiers ». Le terme commence alors à se rapprocher de son sens moderne, celui de récit fictif à épisodes centré autour d’un ou de plusieurs personnages.Le roman a tout dabord été me récit d’une aventure fantastique,comprenant un personnage idylique,qui vit une aventure idylique elle aussi.Les livres étaient au début destinés au nobles et non au peuple,mais certains écrivain se sont batus pour apprendre au paysans a lire et a partir de ce moment là les romans ont été destinés a un public plus large.
Après avoir rappelé l’évolution sémantique du terme « roman », il nous faut maintenant nous intéresser au genre littéraire que ce terme recouvre. Jusqu’au XIIe siècle, la chanson de geste et la poésie lyrique dominent le paysage littéraire et narratif mais, progressivement, un genre nouveau fait son apparition : le roman. Bien que novateur et original, il puise pourtant de de nombreux motifs dans les genres littéraires littéraires qui l’ont précédé.Il est novateur car il raconte une histoire qui semble vraie mais ou le lecteur sait pertinement qu’elle ne l’est pas,tout est basé sur l’illusion des événements.
Les sources du roman médiéval
La poésie lyrique
La rupture littéraire amorcée par l’apparition du nouveau genre de la poésie lyrique ne doit pas pour autant masquer une large continuité dans les thèmes et les motifs évoqués par le roman. Il hérite en premier lieu des personnages stylisés de la poésie lyrique : la dame y est une femme mariée de condition supérieure à celle de son prétendant ; l’homme vassal est obéissant à la dame, il est timide et emprunté devant elle et le losengiers est un personnage fourbe, un traître en puissance. Il reprend également le thème de la fine amor, cet amour secret, sacré dans lequel la femme est divinisée, sacralisée. Il hérite aussi de la Reverdie. La Reverdie est un retour cyclique au printemps qui entraîne la contemplation de la dame par l’amant ainsi que son portrait élogieux fait d’associations entre la beauté de la nature et celle de la femme.La sonorité est également une partie intégrante de la poésie lyrique,car la poésie ne peut se faire sans rimes et le lyrisme ne peut se séparer des sonorités,du rhytme.
Cependant, le romancier ne reprend pas ces thèmes à l’identique, très souvent il les réactualise, les modifie et les dramatise. Mais surtout, il substitue une nouvelle figure à celle du poète amoureux. Le modus operandi de la séduction évolue : la femme ne se séduit plus par des paroles et des chansons mais par des actions. Le personnage du poète est remplacé par le chevalier hérité des chansons de geste.
La chanson de geste
Le héros de la chanson de geste tient ses traits du héros épique. Il est vaillant, brave, il sait manier les armes, il allie la franchise à la loyauté et à la générosité. Par-dessus tout, il sait préserver son honneur. Parmi les nombreux motifs hérités de la chanson de geste, notons celui de la description des armes du chevalier, de ses acolytes ou de ses ennemis, celui des combats et des batailles qui s’en suivent ou bien encore ceux des embuscades, poursuites et autres pièges qui jalonnent le chemin du héros. On trouve également les scènes d’ambassade chères à la chanson de geste, les scènes de conseil entre un seigneur et ses barons ou encore le regret funèbre (lamentations sur un héros, un compagnon perdu) et la prière du plus grand péril.
Cependant, le roman s’éloigne sur plusieurs points de la chanson de geste :
Lancelot du Lac, XVe siècle.
- par sa forme tout d’abord
- La chanson de geste est une suite de laisses assonancées psalmodiées par des jongleurs accompagnés de vielle. Le roman est bien écrit en vers mais ceux-ci sont organisés en couplets d’octosyllabes à rimes plates ;
- par l’auditoire ensuite
- La chanson de geste est écoutée par des hommes installés dans la grande pièce du château alors que le roman est écouté dans la chambre des dames par des personnes plus raffinées et plus cultivées ;
- l’espace de la diégèse se restreint
- On passe des immenses champs de bataille à des vergers ou à des champs, voire à de petites pièces ou des locus amoenus (= lieu intime et paradisiaque où règne la dame).
Les thèmes et les motifs que l’on peut rencontrer dans le roman ne naissent donc pas ab nihilo, le nouveau genre s’inspire largement de ceux qui l’ont précédé tout en procédant à de larges modifications et innovations.
Les trois matières
Au-delà des thèmes et des motifs exploités, les sujets traités par le roman se caractérisent par leur originalité et leur diversité. Il est toutefois possible de les rassembler en trois grands sujets (dits matières) :
- la matière de Rome, ou antique a inspiré le Roman de Thèbes, le Roman d’Enéas, le Roman de Troie et le Roman d’Alexandrie ;
- la matière de France, récits de guerres et de prouesses militaires des Francs ;
- la matière de Bretagne, la plus féconde, a inspiré tous les romans dits « arthuriens ».
La matière de Bretagne se développe à la cour d’Henri II Plantagenêt et de sa femme Aliénor d’Aquitaine ainsi qu’à la cour de la fille d’Aliénor, Marie de France, en Champagne. La matière de Bretagne est imprégnée des traditions et des légendes celtiques transmises oralement par les conteurs bretons et gallois. Bien que de nombreuses imprécisions demeurent sur son existence, Chrétien de Troyes apparaît comme l’auteur le plus représentatif et le plus innovant de cette matière de Bretagne. Son écriture se caractérise notamment par une attention particulière portée aux effets de structure (miroirs, parallèles, échos divers, correspondances entre des personnages ou des épisodes, etc.). Il innove également par le tour qu’il donne aux aventures de ses héros. Il les orne d’évènements imprévus et surprenants qui apparaissent souvent comme les signes du destin du chevalier. De plus, il lie étroitement ces aventures à la notion de quête. Celle-ci peut avoir pour objet un personnage disparu, un amour, une identité, une gloire ou une fin spirituelle. Ces quêtes prennent place dans un univers romanesque qui allie des éléments surnaturels et merveilleux à des effets de réel.
Le roman en prose au XIIIe siècle
Le Roman de la Rose (1420-30).
Avant le XIIIe siècle, peu de textes étaient écrits en prose. Il s’agissait essentiellement de textes juridiques. C’est pourquoi, dans les mentalités de l’époque, les textes en prose pouvaient facilement être associés à une garantie de véracité. Mais à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, probablement afin d’augmenter la crédibilité des aventures racontées et afin de réduire l’artificialité liée à la versification, la prose prend de plus en plus d’importance dans les textes narratifs. Ce passage à la prose permet également le développement de la lecture individuelle tandis que jusqu’alors la lecture collective était privilégiée.
Ces romans en prose s’inspirent du modèle de la Passion du Christ et se rapportent massivement au mythe du saint Graal (le Saint Calice qui aurait été utilisé par le Christ lors de la Cène).
Les romans réalistes
Ces romans apparaissent conjointement au développement de la bourgeoisie et d’un esprit progressivement plus matérialiste. La redécouverte des textes d’Aristote accompagne ce renforcement du rationalisme au détriment d’une part de spiritualité et de merveilleux. Le Roman de la rose et Jehan et Blonde illustrent cette nouvelle orientation du genre. Les auteurs de ces romans choisissent de rester dans les limites du vraisemblable et rejettent le merveilleux arthurien. La géographie des lieux devient de plus en plus familière aux lecteurs, les personnages fictifs y rencontrent des personnages historiques (réels) et les héros choisis sont de plus en plus issus de milieux modestes et sont de moins en moins légendaires. Cependant, ce genre est marqué par un fort paradoxe : alors que la prose semble être la forme la plus adaptée à transcrire le réel avec crédibilité et alors que la majorité des romans sont désormais écrits en prose, ces romans réalistes continuent à être écrits en vers (couplets octosyllabiques). Conséquence ou non de ce paradoxe, ils disparaîtront progressivement devant le succès croissant des romans en prose.
Naissance du roman moderne
Au début de l’histoire du roman cohabitent deux traditions très contrastées. La première est celle du roman comique, engagée par Cervantès et Rabelais, qui se poursuit tout au long du XVIIe siècle, particulièrement en France et en Espagne. C’est un roman résolument parodique et réaliste, qui raille la littérature noble et les valeurs établies.
La seconde est l’héritière du roman de chevalerie et du roman grec. Elle revendique une certaine noblesse des sentiments et de l’expression et un style sérieux. Avec l’avènement du roman historique, le merveilleux qui caractérisait cette tradition est progressivement abandonné au profit du réalisme.
Au cours du XVIIIe siècle, ces deux traditions vont peu à peu fusionner pour donner naissance au genre que nous connaissons, avec son mélange caractéristique de sérieux et d’ironie.
Les fondateurs
La Pantagrueline Pronostication de François Rabelais, 1532.
On considère généralement que le roman moderne naît avec Rabelais (les Cinq livres, 1532-1564) puis Cervantès (Don Quichotte, 1605-1615). De façon caractéristique, ces deux romans parodient le roman de chevalerie médiéval. À la langue noble et aux lieux communs du roman de chevalerie, ces auteurs opposent la diversité des langages de toute la société et un parti pris de réalisme, voire de trivialité.
Le roman de chevalerie n’est pas le seul modèle dont se sont inspirés les premiers romanciers modernes. La nouvelle médiévale (et plus particulièrement le Décaméron de Boccace) ainsi que la littérature et la farce populaire furent des sources également influentes. L’influence de la littérature chrétienne, notamment franciscaine, sur l’œuvre de Rabelais a été également notée [1].
Rabelais et Cervantès resteront une référence constante pour la quasi-totalité de la littérature romanesque.
Le roman baroque
Le roman baroque se développe au XVIIe siècle siècle à la cour du Roi de France. Inspiré du roman grec, c’est un roman sentimental et d’aventure, avec des accents champêtres (dans l’idylle) ou merveilleux. Deux amants sont séparés par le destin et se cherchent au cours d’aventures pleines de rebondissements imprévus au cours desquelles leur amour et leur détermination est mise à l’épreuve. Les amants se retrouvent à la fin ; leur amour est confirmé par les épreuves endurées.
Les romans baroques sont des « romans-fleuves » très volumineux. Les dialogues amoureux y tiennent une place importante. On peut parler à ce propos d’une sorte de casuistique amoureuse (cf. la célèbre Carte du Tendre dans Clélie). Les personnages et les situations sont très stéréotypés.
Les exemples les plus célèbres sont Le grand Cyrus de Georges et Madeleine de Scudéry, L’Astrée d’Honoré d’Urfé, Zayde de Madame de Lafayette.
Publié en préface de Zayde, le célèbre Traité de l’origine des romans de Pierre-Daniel Huet, pose un certain nombre de questions touchant au genre romanesque : que nous apprennent les œuvres de fiction d’une culture étrangère ou d’une période éloignée sur ses créateurs ? À quels besoins culturels de telles histoires répondent-elles ? Existe-t-il des bases anthropologiques fondamentales incitant à la création de mondes fictifs ? Ces œuvres de fiction ont-elles été divertissantes et instructives ? Se sont-elles contentées – ce qu’on pourrait supposer à la lecture des mythes antiques et médiévaux – de fournir un produit de remplacement à une connaissance plus scientifique, ou ont-ils constitué un ajout aux luxes de la vie appréciés par une culture particulière ? Ce traité, qui a créé le premier corpus des textes à discuter, a été le premier à montrer comment interpréter les œuvres de fiction. Véhiculé dans un certain nombre d’éditions et traductions, le Traité de Huet a obtenu une position centrale parmi les écrits traitant de la fiction en prose.
Le petit roman galant et historique
Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, on voit apparaître un nouveau type de roman qui s’oppose radicalement à l’esthétique du roman baroque. Il s’agit de « petits romans » très courts (par opposition aux milliers de pages du roman baroque), et d’un style résolument réaliste. Alors que le roman baroque se situait dans un passé mythique, ces romanciers empruntent leur sujet au passé historique. Dans le roman baroque, les aventures se déroulent entièrement dans la sphère de la vie publique. Dans le petit roman, c’est la sphère privée qui est mise au centre du récit. D’autre part ces petits romans s’opposent aux romans comiques par un ton sérieux et l’emploi d’un style élevé. Pour ces raisons, on peut considérer que ces romans marquent la naissance de la forme romanesque telle que nous la connaissons encore aujourd’hui.
Les exemples les plus significatifs sont la Princesse de Clèves de Madame de Lafayette (1678) et Dom Carlos de César Vichard de Saint-Réal (1672). Alors que le premier roman de Madame de Lafayette, Zayde (1670), était une « histoire espagnole », son deuxième roman révèle un caractère plus typiquement français. Aux histoires de fiers Espagnols se battant en duel pour venger leur réputation succède un roman français plus volontiers porté à l’observation minutieuse du caractère et du comportement humains. L’héroïne, placée devant l’occasion d’un amour illicite, résiste non seulement à la tentation, mais se rend plus malheureuse en admettant ses sentiments à son mari.
Le roman comique et picaresque
Page de titre de la Vie de Lazarillo de Tormes, édition de 1554.
- en France, Charles Sorel, Paul Scarron, Antoine Furetière, Savinien de Cyrano de Bergerac, Jean de Lannel,
- en Allemagne, Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen, perpétuent la tradition de Rabelais et de Cervantès.
C’est avec la Vie de Lazarillo de Tormes, un récit espagnol anonyme paru en 1554, que commence la vogue du roman picaresque. Dans le roman picaresque, un héros miséreux et débrouillard (le picaro) traverse toutes les couches de la société au cours d’aventures pleines de rebondissements.
Quevedo (Histoire de Don Pablo de Ségovie, 1626) donnera à ce genre son expression la plus aboutie. Près d’un siècle plus tard, le Français Alain-René Lesage reprend cette tradition avec l’Histoire de Gil Blas de Santillane (1715-1735).
roman picaresque restera un modèle pour le roman ultérieur : robinson crusoe, tom jones, till l’espiègle.
L’essor du roman anglais
Page de titre de Robinson Crusoë, édition de 1719.
C’est en Angleterre au cours du XVIIIe siècle que le roman acquiert peu à peu la place centrale dans la littérature qu’il connaît aujourd’hui encore. C’est en effet par le roman que la pratique de la lecture se diffuse dans une population récemment alphabétisée. Les premiers romans à succès paraissent, tels Robinson Crusoe ou Tristram Shandy. Le renouveau du roman se propage rapidement à la France, puis à l’Allemagne.
Par ailleurs la forme du roman change. Cette période se caractérise par une grande variété dans la forme et l’esthétique romanesque. L’aspect fictif est encore mis en avant de façon ludique par un Laurence Sterne, Daniel Defoe ou Walter Scott le dissimulent sous l’apparence d’un récit authentique à caractère biographique ou historique. Par ailleurs des formes sont empruntées à d’autres genres littéraires ou extra-littéraires (correspondance, confession, récit de voyage). Enfin, c’est à cette époque que naît le héros romanesque tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec une psychologie complexe et évolutive.
Dans le foisonnement du roman anglais de l’époque, on peut tenter de distinguer les catégories suivantes :
- le roman de mœurs : Samuel Richardson, Henry Fielding, Jane Austen. Imité par les Français l’abbé Prévost et Marivaux.
- le roman d’aventure et historique : Walter Scott, Daniel Defoe.
- le roman comique : Laurence Sterne, Tobias Smollett. Ce style sera une inspiration pour Diderot en France et Jean Paul en Allemagne.
- le roman gothique, précurseur du romantisme et du fantastique. Citons Horace Walpole, Matthew Gregory Lewis, Ann Radcliffe, William Thomas Beckford. Il se caractérise par une atmosphère inquiétante, des aventures mouvementées. Ce style est à rapprocher, dans la littérature française, des œuvres de Pixérécourt, du marquis de Sade et du Polonais Jean Potocki.
Le roman épistolaire
Illustration de La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau
Le roman par lettres ou roman épistolaire connaît une grande vogue à la fin du XVIIIe siècle. Ce style de roman bénéficie de la vogue pour la lecture de correspondances réelles et permet d’ajouter au roman un effet de réel qui correspond au goût nouveau du public. Le roman épistolaire exprime généralement les souffrances d’un amour impossible, et peut-être rapproché du roman sensible.
C’est sans doute l’anglais Samuel Richardson (Paméla ou la Vertu récompensée, 1740, Clarisse Harlowe, 1748) qui contribua le plus au succès de ce genre romanesque. Ses romans suscitèrent nombre d’imitations et de parodies.
Les lettres médiévales d’Héloïse et Abélard inspirent à Jean-Jacques Rousseau sa Nouvelle Héloïse (1761), et les Lettres de la religieuse portugaise (1669) la Religieuse de Diderot (1796). Citons enfin Senancour et Choderlos de Laclos qui ont donné au genre épistolaire deux chefs-d’œuvre. En Allemagne, c’est avec les Souffrances du jeune Werther de Goethe que le genre culmine.
Le roman philosophique
Bien qu’ils lui préfèrent traditionnellement le conte ou le dialogue philosophique, les philosophes et moralistes du XVIIIe siècle ont également utilisé le genre romanesque. C’est le cas des célèbres Candide de Voltaire et des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, qui se présentent tous les deux comme des parodies des romans d’aventures comme Robinson Crusoé.
Le roman libertin
Le roman libertin met à profit la philosophie des Lumières pour attaquer l’ordre établi. Ses auteurs sont Crébillon fils, Diderot, le marquis de Sade, Choderlos de Laclos, Gervaise de Latouche, Boyer d’Argens, Fougeret de Monbron ou La Morlière.
Le XIXe siècle ou le roman roi
À la fin du XVIIIe, le roman est parvenu à sa maturité. Sa forme et son esthétique ne changeront plus beaucoup jusqu’au XXe siècle. Le format des romans, le découpage en chapitres, l’utilisation du passé de narration et d’un narrateur omniscient forment un socle commun peu remis en question. Les descriptions et la psychologie des personnages deviennent primordiales.
Le roman romantique
Le Chat Murr de E.T.A. Hoffmann, édition de 1855.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce genre fut assez peu pratiqué par les romantiques. Ainsi Byron, Schiller, Lamartine, Leopardi lui préfèrent le drame, la poésie, les mémoires ou le conte. Les romantiques sont toutefois les premiers à accorder une place au roman dans leurs théories esthétiques. Le roman romantique se caractérise par une rupture avec la séparation des styles en vigueur à la période classique, une exaltation des sentiments et une recherche du pittoresque.
En Allemagne, les préromantiques et romantiques se sont surtout illustrés dans le bildungsroman ou roman de formation : Wilhelm Meister de Goethe (1796), Henri d’Ofterdingen de Novalis (inachevé, 1801). Par ailleurs, l’œuvre romanesque de Jean Paul et celle d’E.T.A. Hoffmann sont à la fois abondantes et irriguées par une puissante imagination. Mais elles conservent essentiellement l’esthétique romanesque hétéroclite du XVIIIe siècle (Laurence Sterne et le roman gothique).
En France, les auteurs préromantiques et romantiques se sont plus largement consacrés au roman. Citons Madame de Staël, Chateaubriand, Alfred de Vigny (Stello, Servitude et grandeur militaires, Cinq-Mars), Prosper Mérimée (Chronique du règne de Charles IX, Carmen, La Double Méprise), Alfred de Musset (La Confession d’un enfant du siècle), Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo) Georges Sand (Lélia, Indiana) ou encore Victor Hugo (Notre Dame de Paris). Toutefois l’inspiration romanesque de Victor Hugo, qui puise à la fois dans le réalisme historique et social et dans le roman populaire, est assez éloignée de l’esprit romantique. Dans un style proche d’Hugo, citons aussi l’Italien Alessandro Manzoni (Les Fiancés, 1825-1827). L’œuvre de Stendhal enfin, marque la transition entre le romantisme et le réalisme.
En Angleterre, c’est avec les sœurs Brontë et Walter Scott que le roman romantique trouve son expression.
Réalisme et naturalisme
Le roman réaliste se caractérise par la vraisemblance des intrigues, souvent inspirées de faits réels, ainsi que par la richesse des descriptions et de la psychologie des personnages. On y rencontre des personnages appartenant à toutes les couches de la société et à plusieurs générations successives. Cette volonté de construire un monde romanesque à la fois cohérent et complet voit son aboutissement dans La Comédie humaine d’Honoré de Balzac. Ce projet aura une influence considérable sur l’histoire du roman notamment dans la première moitié du XXe siècle.
Outre Balzac, l’école réaliste française compte également Flaubert et Maupassant. Notons toutefois que ces auteurs ne se sont pas cantonnés au style réaliste (littérature fantastique pour Balzac et Maupassant, symbolisme pour Flaubert). À la fin du XIXe, le réalisme évolue d’une part vers le naturalisme objectif d’un Zola et d’autre part vers le roman psychologique.
Le roman russe a donné au roman réaliste plusieurs de ses chefs-d’œuvre : Anna Karénine de Léo Tolstoï (1873-1877), Pères et fils de Ivan Tourgueniev (1862), Oblomov de Ivan Gontcharov (1858). Enfin, l’œuvre romanesque de Dostoïevski, dont l’importance pour l’histoire du roman est fondamentale, peut par certains aspects être rattachée à ce mouvement.
Le réalisme s’impose également dans le reste de l’Europe : George Eliot et Anthony Trollope en Angleterre, Eça de Queiroz au Portugal. En Allemagne et en Autriche, le style Biedermeier impose un roman réaliste emprunt de moralisme (Adalbert Stifter).
Au début du XXe siècle, ce sont les écrivains américains tels que John Steinbeck, Jack London ou Ernest Hemingway qui perpétueront le style naturaliste.
Le roman populaire
Couverture des des Aventures du capitaine Hatteras de Jules Verne dans l’édition Hetzel.
Avec la généralisation de l’alphabétisation, le goût de la lecture touche maintenant les couches populaires, notamment au travers des éditions bon marché distribuées par colportage et du roman feuilleton. Parmi les auteurs populaires du XIXe, citons Eugène Sue, George Sand, Alexandre Dumas et Paul de Kock.
Le XIXe siècle voit aussi la naissance de deux genres romanesques populaires : le roman policier avec Wilkie Collins et Edgar Allan Poe et le roman de science-fiction avec Jules Verne et Herbert George Wells.
Le roman satirique
La tradition satirique anglaise du XVIIIe siècle se perpétue avec des auteurs tels que Charles Dickens, William Makepeace Thackeray ou, en France, Octave Mirbeau. Tout en intégrant certains aspects du roman réaliste, notamment l’importance des descriptions et l’ambition de présenter une « vue en coupe » de toute la société, c’est un roman populaire et bourgeois.
En Russie, le style satirique est illustré par Nicolas Gogol (les Âmes mortes, 1840), et par certains romans de Dostoïevski (le Bourg de Stepanchikovo et ses habitants, 1859).
Le roman à la conquête du monde
Le roman moderne remplace peu à peu la poésie comme moyen d’expression privilégié de la conscience nationale des peuples qui accèdent à la modernité. On peut citer par exemple :
- La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne (États-Unis, 1850)
- Eugène Onéguine roman en vers d’Alexandre Pouchkine (Russie, 1823-1831)
- Je suis un chat de Natsume Sôseki (Japon, 1905)
- Les mémoires posthumes de Bras Cubas de Machado de Assis (Brésil, 1881)
- La mort et les jeunes filles d’Alexandre Papadiamantis (Grèce, 1903)
Le roman comme univers
Des années 1880 aux années 1940, le roman tend à rendre compte de toute l’expérience humaine individuelle (roman psychologique) ou collective (roman viennois et américain). Les romans se font plus longs et cherchent à unir dans une structure unique des éléments hétérogènes.
Le roman psychologique
Vers la fin du XIXe siècle, de nombreux romanciers cherchent à développer l’analyse psychologique des personnages : derniers romans de Maupassant, Romain Rolland, Paul Bourget, Colette, D.H. Lawrence. L’intrigue, les descriptions de lieux et, dans une moindre mesure, des milieux sociaux, passent au second plan.
Henry James introduit un aspect supplémentaire qui deviendra central dans la suite de l’histoire du roman : le style devient le moyen privilégié de refléter l’univers psychologique des personnages. Le désir d’approcher au plus près la vie intérieure des personnages amènera notamment au développement de la technique du monologue intérieur : Le Lieutenant Güstel, Arthur Schnitzler (1901), Les Vagues, Virginia Woolf (1931), et plusieurs chapitres dUlysse de James Joyce (1922).
L’essor du roman psychologique reflète celui de la psychologie expérimentale (travaux de William James, frère d’Henry, et de l’école viennoise), puis celui de la psychanalyse. L’intérêt des romanciers pour ces développements théoriques est illustré par exemple par le roman La Conscience de Zeno d’Italo Svevo (1923).
Le roman viennois
Au début du XXe siècle, plusieurs romanciers reprennent le projet balzacien de construire un roman polyphonique reflétant tous les aspects d’une époque. Ce sera notamment le cas de plusieurs romanciers viennois. Ainsi l’Homme sans qualités de Robert Musil (publication posthume en 1943) et les Somnambules de Hermann Broch (1928-1931) ont l’ambition de représenter, à travers le destin de quelques personnages, l’évolution des valeurs de la société occidentale. Ces deux romans intègrent de longs passages de réflexions et de commentaires philosophiques qui éclairent la dimension allégorique de l’œuvre. Dans la troisième partie des Somnambules, Broch élargit encore l’horizon du roman par la juxtaposition de styles différents : narratif, réflexif, autobiographique.
On retrouve dans une certaine mesure la même ambition totalisante chez d’autres romanciers viennois de cette époque (Arthur Schnitzler, Heimito von Doderer, Joseph Roth) et plus généralement chez des auteurs de langue allemande tels que Thomas Mann, Alfred Döblin ou Elias Canetti.
Enfin, cette conception du roman se retrouve également chez le Français Roger Martin du Gard dans les Thibault (1922-1929) et l’Américain John Dos Passos dans sa trilogie U.S.A. (1930-1936).
Proust et Joyce
Epreuves de la recherche du temps perdu, avec les révisions de l’auteur.
Avec À la recherche du temps perdu de Marcel Proust et Ulysse de James Joyce, c’est la conception du roman considéré comme un univers qui trouve son aboutissement. C’est aussi la continuation d’une certaine tradition du roman d’analyse psychologique. Ces deux romans ont également la particularité de proposer une vision originale du temps : temps cyclique de la mémoire pour Proust, temps d’une journée infiniment dilaté pour Joyce. En ce sens, ces romans marquent aussi une rupture avec la conception traditionnelle du temps romanesque inspirée de l’Histoire. Enfin, ces deux auteurs ont également en commun leur virtuosité stylistique, homogène dans La recherche, et plus éclectique dans Ulysse.
On peut rapprocher l’œuvre de Joyce de celle de l’Anglaise Virginia Woolf et de l’Américain William Faulkner.
L’ère du soupçon
La remise en cause du modernisme et de l’humanisme consécutive aux deux guerres mondiales entraîne un bouleversement du roman. Le grand roman immanent et monumental disparaît au profit de récits plus personnels, plus irréels ou plus formels. Les romanciers sont alors confrontés à une double impossibilité : celle d’un récit objectif d’une part, et celle d’une transmission de l’expérience individuelle d’autre part. C’est entre ces deux limites que se construit pendant cette période une œuvre romanesque dominée par l’angoisse et l’interrogation.
Le roman existentialiste
De forts liens ont existé entre la philosophie existentialiste et le roman. Søren Kierkegaard, qu’on considère généralement le précurseur de cette philosophie, s’est beaucoup intéressé au roman (voir p.ex. Le Journal du Séducteur dans Ou bien… ou bien…). Selon lui, seul un récit subjectif peut rendre compte de ce qu’est réellement l’existence.
De fait, on peut observer l’émergence dans les années 1930 de romans faisant écho aux concepts de la philosophie existentialiste. Ces romans se présentent souvent sous la forme d’un récit à la première personne, voire d’un journal. Les thèmes de la solitude, de l’angoisse, de la difficulté à communiquer et à trouver un sens à l’existence y sont importants. Souvent, on y trouve également une certaine de critique de la modernité et de l’optimisme humaniste. Ces auteurs utilisent généralement un style expressionniste hérité de Dostoïevski.
C’est sans doute Jean-Paul Sartre qui illustre le plus clairement ce lien entre littérature et philosophie. Son premier roman, la Nausée, avait été conçu d’emblée comme une mise sous forme romanesque de concepts philosophiques.
Le romancier polonais Witold Gombrowicz, qui connaissait très bien la philosophie existentialiste, considérait également le roman comme un moyen de rendre concrète la réflexion philosophique. Dans le courant existentialiste il fait exception par la légèreté et l’humour de ses romans qui le place dans la lignée de Charles Dickens.
On pourra citer encore le cas d’Albert Camus, dont la philosophie, proche de l’existentialisme, a également nourri son œuvre romanesque. Son style minimaliste, proche de celui des écrivains naturalistes américains, contraste toutefois avec l’expressionnisme d’un Sartre ou d’un Gombrowicz. D’une façon plus générale, on peut retrouver des similitudes entre la pensée existentialiste et les romans de Knut Hamsun, Louis-Ferdinand Céline, de Dino Buzzati, Cesare Pavese voire de Boris Vian.
Enfin, le roman japonais d’après-guerre (Mishima, Kawabata, Kōbō Abe et plus encore Kenzaburō Ōe) développe souvent des thèmes proches de l’existentialisme.
L’imagination libérée
Frontispice de la première édition de la Métamorphose de Franz Kafka.
L’invraisemblable était un élément essentiel du roman à sa naissance, mais il fut peu à peu exclu de la littérature romanesque, à l’exception de la littérature de genre (fantastique, merveilleux).
Au début du XXe siècle l’invraisemblable refait son apparition dans le roman ainsi que dans la nouvelle. Il s’agit généralement d’une imagination sombre ou grotesque. Ainsi Franz Kafka plonge ses personnages dans un univers de cauchemar où l’on peut être condamné pour une faute qu’on n’a pas commise (le Procès, publication posthume en 1925), ou encore nommé à une charge qui n’existe pas (le Château, publication posthume en 1926). L’influence de Kafka sera profonde sur tout le roman du XXe siècle, et suscitera chez de nombreux écrivains une plus grande liberté face aux canons du réalisme.
Parmi les nombreux romanciers qui ont participé à ce renouveau de la littérature d’imagination, citons Mikhaïl Boulgakov, Boris Vian, mais également la génération du « boom » de la littérature latino-américaine, qui publie ses œuvres principales dans les années 1960 et 1970 : Gabriel García Márquez, Alejo Carpentier, Julio Cortázar, Carlos Fuentes. Voir l’article réalisme magique.
Ce mélange de réalisme et d’éléments fantastiques est toujours très présent dans le roman d’aujourd’hui. Citons par exemple l’écrivain japonais Haruki Murakami, ou le groupe français de la Nouvelle Fiction.
L’expérience totalitaire
La dimension tragique de l’histoire du XXe siècle s’est trouvée largement reflétée par la littérature de l’époque. Les récits ou témoignages de combattants des deux guerres mondiales, d’anciens déportés ou de rescapés de génocides traduisent tout d’abord une volonté de partager une expérience tragique et de l’inscrire dans la mémoire de l’humanité. Cependant la recherche d’une forme esthétique spécifique pour ces récits est tout à fait significative. Ceci n’a pas été sans conséquence sur la forme romanesque. On voit ainsi apparaître des récits non-fictionnels mais utilisant la technique et le format du roman. Citons par exemple Si c’est un homme (Primo Levi, 1947), la Nuit (Elie Wiesel, 1958) l’Espèce humaine (Robert Antelme, 1947), Être sans destin (Imre Kertész, 1975). Ces récits auront à leur tour une influence sur la littérature romanesque, pour des auteurs tels que Georges Perec ou Marguerite Duras.
Du fait de la censure, le recours à la fiction dans la dénonciation des crimes de la terreur soviétique est plus systématique. Des romans tels que une journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne (1962), un Tombeau pour Boris Davidovitch de Danilo Kis (1976), ou encore la Plaisanterie de Milan Kundera (1967) ont été pour beaucoup dans la prise de conscience des méfaits du totalitarisme soviétique. Plus spécifiquement, c’est la destruction de la sphère de la vie privée, lieu par excellence du roman, qui est dénoncée dans ces œuvres.
Enfin, on peut noter le développement au XXe siècle d’un nouveau genre de roman, la dystopie ou anti-utopie. Ces romans, dont la dimension politique est essentielle, décrivent un monde livré à l’arbitraire de la dictature. Ce genre a connu un succès spectaculaire notamment en Europe centrale et en Russie. Les plus célèbres sont le Procès de Franz Kafka, 1984 de Georges Orwell, le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, et Nous Autres d’Ievgueni Zamiatine. Ces romans anticipent parfois de façon saisissante les dérives totalitaires du XXe siècle.
Le Nouveau Roman
Les premiers romans 1950 par les éditions de Minuit ont d’emblée marqué une rupture assez profonde avec certains traits du roman traditionnel, tels que la caractérisation des personnages, le respect de la chronologie, voire la cohérence logique du texte. Par ailleurs ces romans sont fréquemment réflexifs, en ce sens qu’ils mettent en scène l’aventure de l’écriture (ou de la lecture) aussi bien que l’intrigue romanesque. Le Nouveau Roman est d’ailleurs indissolublement lié à l’effervescence théorique de l’époque qui se manifeste autour de la revue Tel Quel ou des colloques de Cerisy.
Il serait cependant faux de concevoir le Nouveau Roman comme une école littéraire unifiée par une esthétique commune, à l’image du romantisme ou du surréalisme. Il y a en effet peu de ressemblance entre les parodies d’un Alain Robbe-Grillet et les épopées tragiques d’un Claude Simon, ou entre l’impressionnisme psychologique d’une Nathalie Sarraute et l’ironie caustique d’un Robert Pinget. Enfin, on doit signaler l’énorme influence de l’œuvre de Samuel Beckett, en marge du Nouveau Roman.
Il n’en reste pas moins que cette période est probablement celle où, dans toute son histoire, la forme romanesque a été la plus renouvelée. Si le Nouveau Roman apparaît comme un mouvement proprement français, on peut toutefois le rapprocher des expérimentations des romanciers américains de la Beat Generation, et plus particulièrement de William Burroughs. Enfin B.S. Johnson ou Ann Quin en Angleterre, Carlo Cassola en Italie, Max Frisch en Suisse ont été inspirés par le Nouveau Roman.
Le roman aujourd’hui : la forme romanesque en question
En Europe, retour à l’exploration tous azimuts du XVIIIe : le roman cherche de nouveaux modèles dans les autres genres : autobiographie, poésie, journal, reportage, voire dans les arts plastiques. Le caractère fictif qui était central à l’origine prend moins d’importance. Le roman est plus vu comme un genre très libre capable d’accueillir des expérimentations de langage.
Aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon, maintien d’une tradition plus classique, critique moraliste du matérialisme et nihilisme de la société moderne.
La place du roman dans les pratiques culturelles change profondément. Concurrencé par la radio, la bande dessinée, le cinéma et la télévision, il perd son statut de reflet privilégié de l’époque. Les romans se font plus courts, reflétant la diminution du temps consacré à la lecture. L’offre se diversifie avec la multiplication de petites maisons d’éditions. Enfin, un marché littéraire mondial dominé par la production anglo-saxonne se met en place.
Le moralisme anglo-saxon
Roman qui se veut critique de la société moderne. Rejet du nihilisme et du matérialisme, mais laïc. Fidèle au style polyphonique et réaliste balzacien, mais avec plus de liberté dans la narration. Parfois quelques incursions dans un futur proche, science-fiction avec Ballard et Houellebecq. Essentiellement représenté dans le monde anglo-saxon, États-Unis, Grande-Bretagne, Afrique du Sud et Israël. Grands noms : Philip Roth, J.M. Coetzee, Saul Bellow, et l’inspiration de Milan Kundera. Plus jeunes : Rick Moody, Jonathan Franzen, William Vollmann, Bret Easton Ellis. On peut ajouter l’Anglais James Graham Ballard, les Français Michel Houellebecq, Benoît Duteurtre.
Le roman culte ou générationnel
On entend par « roman culte » le roman qui fédère un groupe de lecteurs plus ou moins vaste et qui prend la dimension de générationnel. Parmi les exemples les plus souvent cités on compte entre autres : l’Attrape-Cœurs de J. D. Salinger, Bonjour tristesse de Françoise Sagan, Junkie de William S. Burroughs, Last exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr, Sur la route de Jack Kerouac, Bandini de John Fante, Moins que zéro de Bret Easton Ellis, Journal d’un oiseau de nuit de Jay McInerney, Generation X de Douglas Coupland, Fight Club de Chuck Palahniuk, le Vieillard et l’Enfant de François Augiéras, etc.
Le roman comme terrain de jeu
- Dès le début du XXe, en réaction au sérieux du roman, romans parodiques ou ludiques : Alfred Jarry, Raymond Roussel, Ronald Firbank, Victor Chklovski.
- exercices de style : Raymond Queneau et l’OULIPO. Perec, Italo Calvino, Harry Mathews
- roman postmoderne : Flann O’Brien, John Fowles, Vladimir Nabokov, Jean Echenoz, Jean-Philippe Toussaint, Christian Oster, Éric Laurrent, Marie NDiaye, François Bon, etc.