Le charron était présent dans chaque village jusqu’à il y une cinquantaine d’années; il s’agissait d’un spécialiste du bois, maître de tout ce qui tourne et roule dans un village, de la brouette à la charrette.
Roue de charrette, travail de charron, avant le cerclage par les forgerons.
Localisation
Il s’agit d’un métier dont on trouve trace dans le moindre village de la France profonde. Jusqu’à la dernière guerre, la charrette tirée par les chevaux, voire par les bœufs était encore bien présente dans les campagnes. Si on y ajoute les calèches, tombereaux et autres véhicules hippomobiles, ainsi que les réparations diverses, le travail était assuré pour un ou plusieurs charrons par village.
La Matière
Le principal matériau du charron est le bois, mais pas n’importe quelle espèce de bois. Durant l’automne, le charron repère les arbres qui seront abattus en hiver, comme il se doit, après les dernières montées de sève. Les troncs sont ensuite débités en planches et stockés en attendant le séchage. Le charron utilise essentiellement les essences de bois suivantes : Le chêne pour toutes les parties qui exigent une solidité à toute épreuve, l’acacia et le chêne sont utilisés pour la fabrication de la roue (jante et rayons). Le moyeu, quant à lui, est issu de l’orme, voire de l’orme tortillard (avec beaucoup de nœuds) dont les Charentes étaient de grands producteurs. Pour les autres éléments, moins importants, le sapin, le frêne ou le hêtre étaient utilisés.
Les Outils
Charrette avec ridelles et échelons pour le transport des fourrages
Le travail du charron commence pendant l’hiver. A l’aide de différentes scies, il va débiter les arbres en planches, longerons et traverses de différentes tailles. Les longerons, taillés dans un seul arbre et long de sept à huit mètres, constituent la base de toute charrette ; ce sont eux qui porteront la charge allant jusqu’à plusieurs tonnes. Leur extrémité, sur deux mètres, est arrondie à la plane pour former les brancards où viendra prendre place l’animal tracteur, cheval ou bœuf. La plane est un outil tranchant à deux poignées qui travaille comme un rabot ; par le passé, c’était un outil très utilisé. Le châssis de la charrette, constitué de planches, était entièrement assemblé par tenons et mortaises. Les outils utilisés sont connus de tous les menuisiers : compas, vilebrequin, gouge et ciseaux à bois. Le travail le plus délicat était la fabrication des roues. Le moyeu de la roue, en orme, était dégrossi à la hachette et fini au ciseau à bois; le trou de l’axe était fait au moyen de tarières. Les rayons (plus souvent appelés rais) en chêne étaient ajustés à la plane. La jante était constituée de plusieurs parties (en nombre impair pour la solidité de l’ensemble) découpées dans des planches d’une dizaine de centimètres d’épaisseur. Chacune de ces parties recevait deux rayons. Quand le charron n’avait pas de forge, il se rendait ensuite chez le forgeron pour cercler les roues. Ce travail était très délicat et devait être fait en équipe et avec rapidité (pour ne pas brûler le bois) et précision (pour la solidité).
Au fil du temps
A partir du moment où l’homme a utilisé la roue pour construire des véhicules, il y a eu des charrons. Ce métier existe probablement depuis plus de 4000 ans.
Depuis l’Antiquité, on utilise des chars et des voitures tirées par des animaux de trait (chevaux, ânes, mulets, bœufs et vaches). Au XVIe siècle apparaissent le coche, puis le carrosse. Les charrons faisant partie de la corporation des « entrepreneurs de carrosses, coches, chariots, litières, brancards, calèches ». Le statut de charron est officiellement reconnu en 1658 par Louis XIV.
L’âge d’or de ce métier s’est étalé sur plusieurs siècles. Il fallait un savoir-faire très grand, acquis pendant plusieurs années de compagnonnage, puis ensuite encore plusieurs années de pratique. Le charron a suivi l’essor du monde rural, jusqu’au milieu du XXe siècle.
L’industrialisation des campagnes a signé son arrêt de mort.