Juge d’instruction – Fiche métier

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Juge d’instruction

Juge d’instruction

En France, un juge d’instruction est un magistrat chargé de diligenter des enquêtes judiciaires. Il ne peut généralement effectuer une enquête que lorsque le procureur a ouvert une information. Il peut utiliser des officiers de police judiciaire pour effectuer des actes d’enquête en leur délivrant des commissions rogatoires. Il effectue son enquête à charge et à décharge et ne peut en aucun cas prononcer de jugement.

 

Le rôle du juge d’instruction dans la procédure pénale française

 

Principe

Le juge d’instruction a pour mission de faire “tout acte utile à la manifestation de la vérité”. Concrètement, sa mission est donc de faire une enquête, qui pourra déboucher sur un jugement. En ce cas, le jugement sera pris sur la base de l’enquête menée par le juge. Afin de mener à bien sa mission, le juge dispose de pouvoirs d’enquête très élargis. Depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 le juge d’instruction peut demander au juge des libertés et de la détention de placer en détention provisoire.

 

Saisine

Un juge ne décide pas de faire une enquête. Il est saisi par le parquet ou par une victime qui se constitue partie civile. Il ne peut enquêter que sur les faits dont il est saisi. Il y a, à cela, une double justification : d’une part, en France, c’est le procureur de la République qui a la maîtrise des enquêtes et des poursuites, le juge d’instruction n’intervient que par exception. D’autre part, le juge dispose de grands pouvoirs coercitifs et il serait dangereux pour la liberté qu’il puisse les mettre en œuvre à sa guise à tout instant. Donc, le juge n’enquête que sur les faits pour lesquels on lui demande d’enquêter.

 

Désaisissement

La Cour de cassation est l’unique instance habilitée à prononcer le dessaisissement du dossier d’un juge d’instruction. Seuls le procureur général près de la cour d’appel ou le procureur général près de la Cour de cassation sont habilités à la saisir. Ces derniers peuvent agir de leur propre chef ou à la demande des parties.

 

Indépendance

En contrepartie, le juge est libre d’enquêter comme il l’entend. Personne ne peut lui donner d’ordres et il est libre de mener les investigations qu’il juge utiles. Cette indépendance n’est pas sans contrôle, il y a plusieurs règles qui sont applicables. D’abord, le juge “instruit à charge et à décharge” (art. 81, al. 1 du code de procédure pénale). Le juge doit également instruire dans un délai raisonnable (art. 175-2), ce qui suppose souvent de faire des choix et d’écarter des investigations qui ne pourraient être menées dans un délai raisonnable. Les parties (mise en examen, partie civile), peuvent demander au juge qu’il procède à des investigations. Il peut refuser mais doit justifier par écrit sa décision, laquelle est susceptible d’appel.

 

Pouvoirs d’enquête

Le juge d’instruction est l’enquêteur qui dispose du plus de pouvoirs : il peut procéder à l’audition de toute personne, faire comparaître les témoins par la force publique, délivrer des mandats, entendre les parties civiles et les mis en examen, désigner des experts, procéder à des perquisitions et des saisies, ordonner des écoutes téléphoniques, des sonorisations…

Progressivement, tous ces pouvoirs ont été plus ou moins accordés également aux enquêteurs de police, sous le contrôle du parquet, mais c’est toujours à des conditions plus drastiques que pour le juge d’instruction. Concrètement, cependant, le juge fait rarement tout cela et il délègue ses pouvoirs aux officiers de police judiciaire, par le mécanisme de la commission rogatoire. Il est en revanche le seul à désigner des experts (parce qu’il ne peut pas déléguer ce pouvoir), et à entendre le mis en examen (parce que les personnes mises en examen ne peuvent être entendues que par un magistrat). L’essentiel du travail du juge d’instruction consiste à diriger l’enquête (par téléphone ou en rencontrant les enquêteurs, en lançant des commissions rogatoires, des expertises…) et à interroger les mis en examen, ce qui en pratique prend le plus de temps.

 

Pouvoirs judiciaires

Le juge d’instruction est aussi un juge. Il peut donc prononcer des mesures qui ont un caractère judiciaire, que ne peut donc prononcer un enquêteur. Le juge peut mettre en examen une personne, c’est-à-dire lui notifier qu’il existe contre elle un certain nombre d’éléments qui laissent à penser qu’elle a commis une infraction. Le terme inculpé a été remplacé en 1994 par “le mis en examen”. Le mis en examen a un certain nombre de droits, mais surtout il peut peser contre lui des obligations. Le juge d’instruction peut le placer sous contrôle judiciaire, c’est-à-dire lui intimer de respecter certaines obligations, comme se soigner ou encore ne pas rencontrer telle personne. Il peut également saisir un autre juge, le juge des libertés et de la détention, pour placer une personne en détention provisoire. Depuis le 1er janvier 2001, le juge d’instruction ne peut plus décider seul de placer une personne en prison. Un autre juge, le juge des libertés et de la détention, intervient également, qui prend, in fine, la décision. Le juge d’instruction peut, par contre, toujours libérer quelqu’un qui est en détention provisoire.

Enfin, à l’issue de l’enquête, le juge décide s’il y a des charges suffisantes pour renvoyer les mis en examen devant un tribunal ou une cour d’assises. Le juge ne se prononce donc pas sur la culpabilité, mais simplement sur le caractère suffisant des charges. S’il n’y a pas assez de charges, le juge d’instruction rend un non-lieu. Cela arrive aussi – même surtout – lorsqu’on ne trouve pas le coupable.

 

Caractère contradictoire de l’instruction

Par principe, l’instruction n’est pas contradictoire. Elle est secrète. Elle a été conçue sur un modèle strictement inquisitorial. Progressivement, elle a été modifiée pour devenir plus contradictoire, c’est-à-dire pour ouvrir la porte aux débats pendant la phase d’enquête. En premier lieu, les inculpés ont eu le droit à un avocat en 1896, qui est présent pendant les interrogatoires de son client et a accès au dossier. Récemment, les avocats ont eu le droit de faire des demandes d’investigations. Certaines décisions du juge d’instruction sont susceptibles d’appel : refus de procéder à des investigations, décisions de renvoi ou de non lieu… L’appel est porté devant une formation spéciale de la cour d’appel, la Chambre de l’instruction.

La mission du juge n’est donc pas de dire la vérité, mais il instruit à charge et à décharge (article 81 du Code de Procédure Pénale). Il doit rassembler des preuves afin de déterminer s’il existe des charges suffisantes contre un mis en examen. S’il estime qu’il existe suffisamment de preuves, il rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel ou une ordonnance de mise en accusation (pour saisir la Cour d’assises). A défaut de charges suffisantes, il rend une ordonnance de non-lieu, qui met fin à la procédure.

Il joue le rôle de filtre, au même titre que le parquet, pour éviter de saisir le tribunal d’affaires “injugeables”. Le juge dispose de moyens d’enquêtes importants, juridiquement tout au moins, qui justifient qu’il soit saisi pour les affaires complexes ou graves.

Par rapport aux enquêteurs de police ou de gendarmerie, il présente plusieurs avantages : il est généralement plus qualifié, il connaît généralement mieux la procédure, il sait aussi comment raisonnent les autres magistrats du siège et peut donc réunir un dossier où il pourront puiser les réponses à leurs questions. Par ailleurs, le juge d’instruction est un juge indépendant, ce qui empêche que des enquêtes ne soient ralenties par des pressions extérieures. En effet, la police est rattachée au ministre de l’Intérieur, et le procureur de la République travaille sous l’autorité du ministre de la Justice. Or, il a été constaté dans des affaires dites “politico-financières” que le pouvoir politique avait essayé sans succès de ralentir l’instruction des affaires en faisant pression sur le Parquet et la police, l’existence du juge d’instruction ayant permis de faire échec à ces tentatives. Il n’est pas surprenant donc que certaines personnalités politiques souhaitent la disparition du juge d’instruction.